[Sus aux neuromythes !] Episode 8 : Trouve ton style d’apprentissage pour booster celui-ci ! (partie 1/2)

|  Laissez vos commentaires

Aujourd’hui, nous allons faire appel à vos souvenirs de collège ou de lycée (sauf si, bien évidemment, vous êtes encore au collège ou au lycée, vous chipotez là).

Avez-vous déjà entendu un professeur ou un camarade (ou bien vous-même, si c’est le cas, arrêtez de vous écouter parler) dire « Moi, j’ai une mémoire visuelle, c’est pour ça que j’ai un peu de mal avec ce cours » ou encore « Pétrus, vous semblez avoir un style « auditif », je vous conseille donc de bien écouter de cours et de le réviser à voix haute pour préparer vos examens » ?

« La question elle est vite répondue », comme qui dirait ce meme vivant très vite disparu. Qu’est-ce qui se cache derrière ces différents types de mémoire ? Existe-t-il réellement des « styles d’apprentissage » ?
 

Un domaine de recherche florissant

 
La recherche sur les styles d’apprentissage est aujourd’hui vieille de plus de 90 ans, bien qu’elle ait réellement pris son envol depuis les années 1960. Cette discipline mélange plusieurs approches et emprunte à la psychologie cognitive et de l’éducation, à la médecine, au management, à l’industrie ou encore à la formation professionnelle.

Ce champ de recherche tente de tirer des théories de plusieurs vérités liées aux individus et à la pédagogie :
Chaque personne est différente dans son processus d’apprentissage et ses intérêts, et est le fruit de son contexte, qui est propre à chacun.
• Il existe différentes formes d’intelligence et de fonctionnement du cerveau.
Certains individus présentent des troubles de l’apprentissage.

Ainsi, l’objet de cette discipline est de mieux saisir les processus d’apprentissage pour classer les individus via une typologie de profils, le dessein final étant d’analyser et de comprendre les difficultés d’apprentissage afin d’adapter celui-ci au profil de chacun suivant ses spécificités. Dessein louable, vous me l’accorderez.

La recherche et la littérature sur le sujet sont florissantes et de nombreuses classifications émergent. Ainsi, en 2016, il existait plus de 70 modèles, 26 000 sites internet sur les styles d’apprentissage et on retrouvait plus de 4 500 articles publiés dans des revues académiques ou professionnelles [1].
 

 
Alors, est-ce que, comme l’affirment certains chercheurs, chaque apprenant a un style d’apprentissage privilégié ? Si oui, faut-il adapter la manière de transmettre au style d’apprentissage de chacun afin de maximiser l’apprentissage ?

EH BIEN NON. Enfin, pas tout à fait.
 

Un grand flou conceptuel et typologique

 
Le premier problème vient de la discipline de recherche en elle-même. Les travaux produits dans ce domaine se révèlent très hétérogènes et contradictoires. Les nombreux chercheurs ayant travaillé sur les styles d’apprentissage ont quasi chacun conçu leur propre typologie, avec des styles très variés.

Autre souci, il n’y a pas d’accord scientifique sur la définition même de « style d’apprentissage ». Certains chercheurs se focalisent sur le comportement des apprenants, leur personnalité, d’autres sur le processus d’apprentissage et d’organisation de l’information ou encore sur le contexte d’apprentissage (familial, social, scolaire, affectif, etc.), et d’autres mélangent toutes les caractéristiques pour créer leur classification et leurs profils.

Enfin, de nombreuses théories sont tributaires les unes des autres et certaines tombent tout simplement dans la tautologie. En résumé, certains chercheurs renforcent la crédibilité de leurs travaux (ou pensent se renforcer) en s’appuyant ou en citant d’autres chercheurs qui eux-mêmes usent de la même technique. Un beau bordel.

En résumé, au niveau théorique, aucun consensus scientifique ne se dégage.
 

Et au niveau pratique ?

 
Certains « spécialistes » dans le domaine des profils d’apprentissage ont extrapolé leurs résultats pour décréter qu’il était utile, voire indispensable, d’adapter l’apprentissage au profil de chacun des apprenants.

Un des principaux écueils lié à ces expériences provient des tests pour déterminer le « style d’apprentissage ». Si tant est qu’un style d’apprentissage soit propre à chaque individu, la détermination de celui-ci via ces outils n’est pas efficace car elle repose souvent sur de l’auto-détermination, soit des questions posées directement à l’apprenant. Plusieurs questions se posent alors :

L’apprenant a-t-il le recul et l’objectivité nécessaires pour répondre correctement aux questions parfois très fines posées dans ces tests ? Comment avoir la maturité indispensable pour caractériser son fonctionnement affectif et cognitif ?

Comment appréhender les différences de réponses apportées aux mêmes questions par les mêmes apprenants lors de deux sessions différentes ?

Le style d’apprentissage est-il quelque chose d’immuable dans le temps, qui n’évoluerait pas sous le poids des interactions et du contexte qui mute ?

De plus, comment un enseignant ou un formateur peut-il de façon pratique adapter ses méthodes à chaque individu ayant un profil d’apprentissage qui lui est propre ? Inconcevable. Et imaginez la perte de temps et d’énergie (mais aussi d’argent) pour des résultats qui n’ont rien de certain ?

Enfin, malheureusement, les expérimentations menées pour la grande majorité sans professionnels de l’éducation ou de la formation n’ont pas donné de résultats satisfaisants. A ce jour, comme le montrent plusieurs articles scientifiques [2], il est impossible d’affirmer que respecter le style d’apprentissage déterminé de chaque élève ou formé permet d’avoir de meilleurs résultats quant à la transmission de connaissances ou de compétences.

Ainsi, des expériences gérées par des théoriciens sur une base scientifique bancale et soumise à controverses via des outils approximatifs et en l’absence de praticiens professionnels n’ont pas permis de confirmer des théories disparates et frôlant la tautologie. Étrange, non ?
 
 
Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de l’article. Nous découvrirons ensemble pourquoi ce neuromythe (comme les autres d’ailleurs) est potentiellement dangereux.
 
 
 
 
 
 
 
[1] https://edupass.hypotheses.org/1049
[2] Vous pouvez lire ceci, cela ou encore cet article.


 , , ,

Aymeric Debrun

  • Diplômé de Sciences Po Lyon – Master Coopération internationale et aide au développement

Découvrir un domaine inconnu, une nouvelle idée, une information ignorée. Se mettre à lire, étudier, analyser, comprendre. Puis approfondir, creuser, se passionner. Et enfin intriguer, intéresser, expliquer, transmettre. Et recommencer.

Un chemin maintes et maintes fois parcouru aussi bien dans ma vie personnelle qu’étudiante. Chez Sydo, j’ai trouvé un travail pour continuer à l’arpenter et faire de ce chemin… un schéma pédagogique.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.