LES BIAIS COGNITIFS #5 : LA MALEDICTION DE LA CONNAISSANCE

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Cette semaine, découvrez comment fonctionne un des biais cognitifs particulièrement répandu en cours ou en formation : la malédiction (musique flippante)… de la connaissance ! Pourtant, dit comme ça, on aimerait bien être touché par cette « malédiction ». La connaissance, c’est bien… non ?

Mais allons faire un tour du côté de vos souvenirs : vous avez sûrement déjà suivi un cours par un professeur, un expert dans son domaine ! Dès qu’il ouvrait la bouche, ce qu’il racontait vous semblait obscur, inaccessible : un jargon incompréhensible, les liens logiques étaient loin d’être évidents, etc.

Peut-être même que, cerise sur le gâteau, vous hochiez la tête en le regardant, par réflexe, pour garder la face ou par politesse !

Bref, vous l’aurez compris, derrière de très bons experts se cachent parfois (souvent ?) de très mauvais pédagogues !

Nous allons essayer de décortiquer ce phénomène et trouver des pistes pour éviter que vous ne vous trouviez dans cette posture.

En avant la musique : une étude significative

En 1990, Elisabeth Newton mène une expérience basée sur deux groupes :
– Dans un premier groupe, les participants écoutent des musiques très connues et essayent de reproduire le rythme de chaque chanson en tapant du doigt sur la table ;
– Les participants du second groupe doivent écouter simplement la reproduction du rythme musical par les premiers individus, et deviner le titre.

On demande aux membres du premier groupe, donc ceux qui connaissent les bonnes réponses, d’estimer le nombre de personnes susceptibles de reconnaître les titres. Ils estiment alors que 50% des musiques reproduites sont facilement reconnaissables. La réalité ? Seuls 2,5% des musiques ont été reconnus !

Cette expérience nous apprend une chose (et ce n’est pas que les participants n’ont pas le rythme dans la peau) : lorsque l’on connaît quelque chose, on a tendance à supposer que les autres aussi !

PS : vous pouvez vous-mêmes reproduire cette expérience simple (si vous avez une classe ou un grand groupe sous la main, c’est mieux !) :
– Posez une question et calculez le pourcentage de bonne réponse ;
– Puis, demandez à tous les participants d’estimer le pourcentage de personnes ayant eu la bonne réponse

Le pourcentage de bonnes réponses estimé par le groupe des personnes ayant bien répondu sera certainement supérieur au véritable résultat (et au pourcentage estimé par l’autre groupe) !

Les risques en formation

Quand on a acquis des connaissances (ou une compétence), on a beaucoup de mal à s’imaginer sans donc, a fortiori, à se mettre à la place de ceux qui ne savent pas (ou qui n’ont pas la compétence).

En formation, les risques les plus courants pour un formateur sont de :
prêter à ses interlocuteurs des connaissances préalables. Ce risque est exacerbé quand on est face à des formés que l’on peut surestimer du fait de leur âge, de leur niveau d’étude, etc.
avoir du mal à vulgariser ses connaissances. Cela est d’autant plus vrai quand on est en totale improvisation : on va plus rapidement, on fait des raccourcis, on oublie parfois un peu son auditoire, etc.
être impatient si les formés ne comprennent pas (ou pas assez vite). « C’est évident non ? On ne va pas y passer des heures ! »

Côté formé, face à une telle performance, on risque de décrocher et de perdre confiance.

Les bonnes pratiques

Comme tous les biais, je dirais que la première bonne pratique à appliquer est d’en prendre conscience ! Mais s’il est facile de vous en rendre compte chez votre interlocuteur c’est plus difficile à identifier chez soi.

Ensuite, énoncez clairement les prérequis, s’il y en a, préparez bien à l’avance votre formation ou votre cours, diversifiez les moyens de transmettre le contenu et reformulez de plusieurs manières les contenus à transmettre.

Et, aussi, ne vous laissez pas avoir par des hochements de tête et des sourires ! Demandez à votre auditoire de reformuler à son tour permet d’être sûr que le sujet a bien été compris ou bien de mettre en évidence une incompréhension.

Autre technique : parler de ce biais ouvertement. Vous dites que vous faites au mieux mais que vous pouvez être « victime de la malédiction » et que les formés ne doivent pas hésiter à vous le faire remarquer ! Instaurez un climat de confiance et soyez transparent, c’est important.

Enfin, si vous n’êtes pas expert du sujet, vous n’êtes pas bon à rien pour autant, bien au contraire ! Si vous maîtrisez le sujet depuis peu, vous n’aurez peut-être pas réponse à tout, mais vous saurez les étapes (et les astuces) qui vous ont permis de comprendre le sujet. Ainsi, vous risquez moins d’être touché par ce biais et serez mieux à même de vous mettre à la place de vos apprenants.
 
 
 
Pour lire tous les articles de la série, c’est ci-dessous :
Les biais cognitifs #1 : Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?
Les biais cognitifs #2 : L’effet de halo
Les biais cognitifs #3 : L’effet IKEA
Les biais cognitifs #4 : Le biais de complexité
LES BIAIS COGNITIFS #5 : LA MALEDICTION DE LA CONNAISSANCE
LES BIAIS COGNITIFS #6 : LE BIAIS DE NEGATIVITE
LES BIAIS COGNITIFS #7 : L’EFFET VON RESTORFF
LES BIAIS COGNITIFS #8 : LE BIAIS DE STATU QUO
LES BIAIS COGNITIFS #9 : LA LOI DU MARTEAU
LES BIAIS COGNITIFS #10 : L’EFFET DUNNING-KRUGER
LES BIAIS COGNITIFS #11 : L’ERREUR FONDAMENTALE D’ATTRIBUTION

 
 
 


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Héléna Coudurier-Curveur

  • Master de Sociologie Recherche – Normes, économie et société – Sorbonne Université

Curieuse et intéressée par de nombreux domaines, il m’était difficile de faire un choix de spécialisation dans mes études. Pourtant dans cette vague d’intérêts, j’ai réussi à orienter les flots de mon enthousiasme avec… la pédagogie !

Car si ma première satisfaction est de comprendre, la seconde est de transmettre.

Je suis ravie de faire partie de l’équipe Sydo, où savoir-faire et émulsion d’idées mènent à la réalisation d’outils véritablement pédagogiques.

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