Deuxième épisode de notre série mensuelle « Le journal du formateur ». Ces articles seront l’occasion de faire le tour des galères que connaissent tous les formateurs, mais aussi de mettre en avant les meilleurs moments de ce chouette métier. Vous souhaitez vous aussi témoigner ? Ecrivez-nous : contact@sydologie.com
Dès la deuxième bouchée du premier croissant de la ribambelle de viennoiseries que j’avais largement le temps d’avaler parce que j’avais su tirer les enseignements de mes aventures précédentes et que j’étais arrivé une heure avant l’ouverture de la salle – apparemment ya pas de demi-mesure, j’avais senti que ça allait pas être easy cette journée. Au fil des arrivées successives, les formés du jour s’étaient agglutinés petit à petit en un groupe chaleureux et rigolard dont j’étais complètement exclu. Mais comme je n’en étais pas à ma première formation intra-entreprise, j’ai laissé ma rate faire coucou de loin au court-bouillon et j’ai fait confiance à ma solide expérience.
Rester maître à bord
Je n’ai pas réalisé tout de suite qu’il n’y avait aucune glace à briser alors j’ai proposé directement des portraits croisés[1] pour que la phase de présentation soit sympatoche. Ça a été super sympa en effet : les formés se connaissant tous déjà entre eux et ayant l’habitude de travailler les uns avec les autres, mon brise-glace s’est transmuté en festival de private jokes et de sous-entendus, le tout dans une ambiance de premier anniversaire avec les copains de l’école primaire et le fils du voisin. Au bout des 10 minutes dédiées à l’activité, niveau glace j’avais l’impression d’être tout seul dans un igloo pendant que mes formés s’amusaient tous sur la banquise avec les pingouins et les phoques. Il allait falloir faire péter de la botte secrète.
Bien entendu, ma formation était un subtil mille-feuille faisant alterner courtes phases théoriques et activités rigolotes et pertinentes. Après le capharnaüm initial non prévu et contre-productif, j’ai repris les rênes, confiant, pour une entrée en matière sur les visuels sur support de présentation. J’avais un petit laïus de 5 minutes à faire avant de leur laisser la parole pour rebondir. Question rebondissement, ils ont pas attendu que je finisse mon speech : j’ai été interrompu 12 fois, dont 8 par des « bavardages » de fond de classe genre cours de physique un vendredi après-midi du mois de mai quand les fleurs chantonnent à l’extérieur et que toi tu dois calculer en moles la longueur d’onde d’un TGV Paris-Marseille lancé à pleine vitesse. Pendant la deuxième activité, ils se sont envoyé des vannes d’un bout l’autre de la salle en inversant complètement le sens du jeu que j’avais imaginé. Alors oui, c’est sûr, c’était pas Waterloo morne plaine ma formation, c’était vivant, ça fusait dans tous les sens façon NASA. Je maîtrisais juste pas grand-chose et j’avais du mal à recadrer le bazar. A un moment, ils se sont même mis à chantonner en chœur « Et j’ai crié, crié-é, Aline, pour qu’elle revienne » dès que je prononçais le mot « dessiner » (et Christophe c’est pas trop mon truc, enfin pas en formation).
A la fin de la journée, je me retrouvai exténué et sans voix au milieu d’une salle pandémoniaque. Ça avait déménagé grave.
De la souplesse en formation
Si vous n’aimez pas parler dans le vent ni vous sentir exclu, voici quelques conseils :
- N’essayez pas de briser la glace quand il n’y en a pas : allez à l’essentiel et écourtez les présentations quand les formés se connaissent déjà
- N’hésitez pas à faire diplomatiquement remarquer à vos formés que parler tous en même temps ne mène à rien, à part à un mal de tête collectif
- N’ayez pas peur d’improviser et de suivre la voie ouverte par les remarques de vos formés : n’essayez pas de coller coûte que coûte au déroulement dont vous avez accouché, fût-ce dans la douleur
- Conservez par-devers vous quelques activités alternatives, au cas où celles que vous avez retenues tombent à plat
- Ne prononcez jamais le mot « dessiner » en formation
[1] Les formés se répartissent en binômes et font connaissance pendant quelques minutes. Au terme du temps imparti, chacun présente son binôme au groupe, ce qui évite les autoportraits fastidieux et trompeurs.