#JDF Episode 9 : « Attelage hideux et terrible… »

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Avant-dernier épisode de notre série mensuelle « Le journal du formateur ». Ces articles seront l’occasion de faire le tour des galères que connaissent tous les formateurs, mais aussi de mettre en avant les meilleurs moments de ce chouette métier. Vous souhaitez vous aussi témoigner ? Ecrivez-nous : contact@sydologie.com

Nous sommes déjà fin mars, les saisons se succèdent, les formations s’enchaînent et, tel Rolf Landale, le héros de Phantasy Star II ( je ne rajeunis pas, vous non plus, ne riez pas), j’accumule des points d’expérience, j’apprends de mes bourdasses et je développe techniques, parades et outils pour m’en sortir en toute situation et devenir, en surmontant les épreuves que les dieux de la formation, mes maîtres implacables, trouvent bon de semer sur mon chemin, un écureuil pédagogique, évitant les pièges matériels ou semi-virtuels, neutralisant les ennemis invisibles et jonglant avec les écueils pour finir, victorieux, tout en haut de l’arbre de la connaissance. J’en ai commis un paquet, des erreurs, errare humanum est, mais je m’efforce autant que faire se peut de ne pas tomber deux fois dans les mêmes pièges. Je commence à en avoir formé une tripotée, des apprenants, et des variés : à force, j’ai vu défiler une collection de profils à rendre jaloux le meilleur sculpteur de l’Egypte ancienne. Et grâce à toi, cher Journal, je n’oublie ni mes foirures, ni les surprises apprenantiques, et je suis capable, d’une formation à l’autre, d’identifier les récurrences et de corriger le tir en temps réel : bref, je suis normal.

Duo de choc

Néanmoins, si les formations se suivent, elles ne se ressemblent pas (heureusement, j’aurais l’impression d’être le Julien Lepers de la formation pro sinon, la sympathie gérontologique en moins) et je suis loin d’avoir fait le tour de toutes les combinaisons humano-spatio-temporelles possibles. J’ai donc récemment été confronté à un échantillon de formés dont la trempe m’était jusqu’alors inconnue. Plantons le décor avant d’aller plus loin. J’étais super prêt comme d’hab, j’avais beaucoup bossé avec mon binôme à barbe efficace (le collègue, pas sa barbe, encore que sa barbe n’y aille pas par 4 chemins non plus) et j’avais cette fois-ci une double mission. Je devais en effet non seulement faire scintiller les yeux de mes apprenants en leur transmettant la quintessence de Sydo, à savoir son savoir-faire multiséculaire en matière de vidéo dessinée, mais également tester une nouvelle collaboratrice (calmez-vous) avec laquelle je suis destinée à faire équipe pendant les mois (les années ?) à venir : la Sydobox. J’avais donc prévu tout plein d’activités d’animation, on allait bidouiller tous ensemble, y aurait pas de temps morts, pas de baisse d’attention, je maîtriserais enfin le temps, l’espace et les cerveaux des participants et les guiderais, prophète pédago-numérique, vers la lumière.

De Charybde en Scylla

Hélas, et évidemment, ce n’est pas ce qui se passa. Tandis que je commençais à présenter le programme de la journée, expliquant les raisons qui nous avaient poussés à organiser les étapes dans cet ordre précis, vous voyez là, comme ça on construira pas à pas notre vidéo, en mettant à profit en 3 ce qu’on aura vu en 1, et en mixant tout ça en 4… bref, tandis que je montrais les ombres des échafaudages dont nous nous étions servis, la barbe et moi, lors de la phase d’ingénierie pédagogique, une formée m’arrêta net. « Il me semble, dit-elle, qu’il eût été plus judicieux (là, il se peut que j’invente un peu, je reconnais, et qu’elle n’ait pas utilisé à l’oral un subjonctif plus-que-parfait, je place quelques offrandes aux dieux de la conjugaison afin qu’ils me choient) de passer le 4 en 2, pour pouvoir construire l’étape 5 en 3. » Je rappelle que cette personne s’initie à la réalisation de vidéos pédagogiques, qu’elle vient de me dire qu’elle n’en avait jamais fait seule (oui ça je vous l’ai pas dit, mais j’organise mes étapes comme je veux, hein) et qu’il est 9h33, c’est-à-dire tôt.

Je re-justifiai donc patiemment nos choix, il est normal que les participants aient la possibilité de s’exprimer et on a vu dans un épisode antérieur les problèmes posés par les formations cactus – celles où personne ne pipe question, ni réponse, ni quoi que ce soit qui se pipe. Quelques minutes plus tard, je suis en train de donner quelques conseils pour rédiger une voix off, et rev’là-t’y pas que la même personne me coupe pour mettre en doute l’un d’entre eux, et expliquer qu’elle ne ferait pas comme ça.

Je ne l’avais encore jamais croisée, il fallait que cela arrivât, vous avez reconnu le personnage : il s’agit du participant qui sait mieux que vous ce que vous êtes en train de lui expliquer. Ce jour-là, le malheur aime la compagnie, la sachante était accompagnée d’un sceptique, personnage certainement constructif dans sa jeunesse mais désormais enfermé dans un éternel rôle de contradicteur et de metteur en doute : le sceptique fronce un sourcil à chaque assertion, conteste les chiffres, les faits, commente tout ce qu’on lui propose et ne paraît jamais satisfait.

Diable ! j’allais me charrier Charybde et Scylla en même temps pendant toute la journée. Ça a été long.

Lorsque le sort s’acharne, que les dieux de la formation vous refusent leur clémence ou sont partis faire une pétanque – il faut savoir faire des pauses, et que vous n’êtes plus maître à bord, que faire ?

  • Gardez votre calme, on a déjà vu qu’il était mauvais pour votre tension d’arpenter les contrées escarpées de l’agacement
  • Montrez qu’on peut vous faire confiance (tout ça, c’est une question de confiance) en invoquant une figure qui fait incontestablement autorité : Nietzsche, Stephen Hawking ou Cyril Hanouna par exemple
  • Ne manquez pas de faire remarquer à nos fâcheux qu’ils se gourent lorsqu’ils se gourent – ils vont se gourer, ne vous inquiétez pas, vous avez réfléchi à toutes les manières d’aborder le problème pendant des jours et des nuits et ce sont des lapins de 3 semaines.

Notons que la Sydobox ne m’a été d’aucune utilité face à ces formés récalcitrants. De là à penser que je n’en ai parlé que pour lui faire de la pub…

 


 

Aurélien Dorvaux

  • Master « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » – Certifié de lettres modernes

Après huit années passées à réfléchir aux meilleurs moyens d’enseigner le français à des collégiens et des lycéens, j’ai eu envie d’utiliser mes savoir-faire et de prolonger mes réflexions sur la pédagogie dans un autre contexte. J’aime m’interroger sur les mécanismes qui conduisent à la compréhension et sur l’apprentissage. Et comme tous les sujets m’intéressent, je trouve chaque jour chez Sydo de quoi satisfaire ma curiosité !

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