#JDF Épisode 6 : Massive Open Offline Crash

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Sixième épisode de notre série mensuelle « Le journal du formateur ». Ces articles seront l’occasion de faire le tour des galères que connaissent tous les formateurs, mais aussi de mettre en avant les meilleurs moments de ce chouette métier. Vous souhaitez vous aussi témoigner ? Ecrivez-nous :contact@sydologie.com

Notre boss nous a dit pendant une réunion « Bon les gars on va faire un MOOC », on a dit « Hmmm pas sûr que ce soit une bonne idée, faut qu’on… », elle a dit « Nan mais si en fait, c’est pas une question, on va faire un MOOC, au boulot allez allez ! », alors on a dit « Ouais génial c’est trop cool super idée ! » et on lui a demandé avec des sourires d’axolotl quand elle voulait que ce soit prêt. Grâce au début de sa réponse, on a pu organiser une cellule de crise stratégique d’urgence le jour-même et s’enfermer dare-dare et pendant 7 heures dans la salle la plus éloignée de l’open-space, sans écouter la fin qui comportait certainement des éléments non-inintéressants mais que nous considérâmes à cet instant-là comme non-indispensables.

On n’a pas de temps, mais on a des idées

Cette réunion extraordinaire se déroula dans une ambiance décontractée et en parfaite adéquation avec le feng-shui de la pièce que nous avions choisie pour sa localisation (et qui sert tantôt de cuisine, tantôt de salle d’entraînement au tennis de table, tantôt au brassage de bière maison et tantôt à des tas d’autres trucs qui laissent des traces, des odeurs et des objets incongrus) : nous étions zen et arts martiaux, maîtres du temps, plongés dans l’instant présent. Un chouette souvenir : je ne me suis pas rongé tous les ongles, mon collègue ne s’est pas arraché 163 poils de barbe, je n’ai pas enfoncé définitivement la touche « retour » de mon clavier à force d’effacer des idées nulles, et nous avons pu prendre 2h pour manger les meilleures ravioles au homard de la ville dans un restaurant hyper chicos.

Au terme de cette session de marrade intégrale, on tenait notre plan d’action. En gros, c’était pas compliqué, il fallait juste (pêle-mêle) :

  • Adapter à la formation à distance le contenu que notre boss avait choisi
  • Aller chez le coiffeur (j’ai dit « pêle-mêle »)
  • Acheter tout un paquet d’objets techniques qui nous manquaient (des réflecteurs, un calibreur d’écran, une salle d’enregistrement (on n’a bizarrement jamais réussi à l’obtenir celle-là), etc.)
  • Essayer de convaincre notre boss que le contenu qu’elle voulait adapter à la formation à distance n’était pas adapté (j’ai dit pêle-mêle)
  • Regarder des tas de MOOC pour faire la liste de ce qui était à faire et surtout à éviter
  • Trouver les bons outils pour que les formés ne s’endorment pas
  • Intégrer tout le boxon sur un LMS qui tienne la route
  • Etre disruptifs (on employait alors ce mot à toutes les sauces sans savoir ce que ça voulait dire : un produit, une réunion, une décision ou une tartiflette pouvaient être disruptifs)
  • Imaginer des interfaces un peu sympas et super ergonomiques pour que les utilisateurs aient envie de suivre jusqu’au bout
  • etc.

Certes, on n’était pas des bizuths en matière de MOOC et autres séduisants acronymes. On venait même de sortir un bouquin sur le sujet pour la préparation duquel on avait pas mal fouillé le domaine en interrogeant des pros. Mais l’ampleur du boulot qui nous attendait était considérable, et les derniers chiffres relatifs à l’efficacité des MOOC, qui nous laissaient penser qu’on allait bosser dans le vide même si nos contenus étaient béton, ne nous faisaient pas déborder d’enthousiasme. Qu’à cela ne tienne : nous nous mîmes à la tâche et nous ingéniâmes pédagogiquement à réaliser l’architecture du dispositif. A la fin, tout tenait à peu près la route, il y avait de la classe virtuelle, des vidéos dessinées, des mini-jeux, des schémas à faire soi-même, bref, un puzzle d’outils savamment agencés. On y avait passé des dizaines d’heures, j’avais quelques cheveux blancs en plus et la femme de mon collègue l’avait quitté, mais malgré ces inévitables dommages collatéraux, on était contents du résultat. Il ne restait plus qu’à présenter tout ça à notre boss.

Croix de bois croix de fer

Pour que la présentation soit plus convaincante, nous décidâmes de réaliser au moins le film de la séquence d’introduction (« Bonjour, bienvenue dans ce MOOC ! Nous avons imaginé toute une série d’activités, etc. »). Mon collègue, qui avait eu le temps d’aller chez le barbier, devait parler pendant 5 minutes devant la caméra et donner envie d’apprendre : ça avait pas l’air compliqué. Après 4h de prise de vue et de tête, 3 engueulades et deux menaces de démission (une partout), je décidai de le faire moi-même puisqu’il n’y arrivait pas. Je dois reconnaître que ce fut pire : on aurait dit un élève de 6e faisant un exposé sur un sujet qu’il n’avait pas compris devant toute la classe en se disant que la petite Margaux, première en maths, dont il était amoureux depuis le mois de septembre, allait définitivement penser qu’il était un gros naze. Nous avons fait disparaître toutes les traces de ces essais vidéo et scellé un pacte de non-mo(u)querie suite aux images compromettantes de nous-mêmes que nous avions visionnées. La présentation prit finalement une forme paper-boardienne et notre boss nous engagea à laisser tomber : elle avait changé d’avis sur les MOOCs entretemps.

Quelques conseils si l’aventure MOOC vous tente et que vous avez prévu de vous filmer vous-même en train de parler et de filmer un expert, un prof, ou même le mec qui a inventé ce que vous voulez expliquer :

  • SURTOUT, NE LE FAITES PAS ! ACTEUR, C’EST UN MÉTIER
  • SURTOUT, NE LE FAITES PAS ! ACTEUR, C’EST UN MÉTIER
  • SURTOUT, NE LE FAITES PAS ! ACTEUR, C’EST UN MÉTIER


Aurélien Dorvaux

  • Master « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » – Certifié de lettres modernes

Après huit années passées à réfléchir aux meilleurs moyens d’enseigner le français à des collégiens et des lycéens, j’ai eu envie d’utiliser mes savoir-faire et de prolonger mes réflexions sur la pédagogie dans un autre contexte. J’aime m’interroger sur les mécanismes qui conduisent à la compréhension et sur l’apprentissage. Et comme tous les sujets m’intéressent, je trouve chaque jour chez Sydo de quoi satisfaire ma curiosité !

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