Une grande partie de l’opinion s’accorde à dire que notre cerveau ne cesse de régresser avec l’âge, qu’on perdrait d’une façon inexorable des neurones sans possibilité de renouvellement, ce qui limiterait notre capacité à apprendre à l’âge adulte.
C’est totalement faux : notre cerveau a la capacité de générer des neurones tout au long de notre existence[1].
Le dogme de la fixité neuronale mis à mal
Ce neuro-mythe ne s’appuie pas sur rien. En effet, pendant près d’un siècle, et ce jusqu’à il y a une vingtaine d’années, on pensait le nombre de neurones fixé à la naissance. Nous disposerions ainsi d’un capital de 80 à 100 milliards de neurones et nous ne cesserions d’en perdre en vieillissant et ce, de manière irrémédiable. C’est le père de la neurobiologie, Santiago Ramón y Cajal, qui avait édicté ce dogme sur la fixité neuronale.
Des scientifiques remirent en question ce dogme dans la seconde partie du XXème siècle après avoir observé l’évolution de cerveaux d’animaux. Cependant, ces études furent bloquées, créant une importante controverse, le dogme sur la fixité neuronale demeurant intouchable.
Il faut attendre les années 1980 et l’utilisation de la technique du marquage au bromodésoxyuridine (BRDU) sur les cerveaux d’animaux pour faire vaciller ce dogme. Ce marqueur permet en effet de rendre fluorescentes les cellules en cours de division, c’est-à-dire qui sont en train de se reproduire.
En 1998, de nouveaux tests réalisés cette fois sur des primates par Elizabeth Gould permettent de prouver l’existence de la neurogenèse chez l’adulte humain, proche cousin du singe.
Ainsi, l’humain créerait entre 700 et 1400 neurones par jour, selon les études, et ce, quel que soit son âge. Pas de quoi se pavaner : la souris, elle, en créerait plus de 30 000 par jour.
Cette neurogenèse aurait lieu dans deux parties précises du cerveau se situant dans les hippocampes : la zone sous-ventriculaire et le gyrus denté.
La création de neurones dans ces cerveaux est cruciale pour être réactif, s’adapter rapidement à l’évolution d’une situation et à l’apparition d’un problème. Ces nouveaux neurones servent aussi à mémoriser et à marquer émotionnellement ses souvenirs afin notamment de discriminer des situations et d’identifier si on doit garder ce moment en mémoire.
Bonnes pratiques pour une neurogenèse efficace
La neurogenèse et le maintien en vie de ces nouveaux neurones, qui dépend de sa capacité à créer des connexions avec les autres neurones, sont favorisés par de nombreuses activités :
- Le voyage, la découverte de nouvelles choses et les interactions sociales : cela stimule le cerveau et donc pousse les jeunes neurones à mémoriser de nouvelles informations. Évitez la routine !
- L’apprentissage, le jeu et la méditation sollicitent fortement ces nouveaux neurones et les poussent à se câbler.
- La pratique d’activités sportives, et particulièrement l’augmentation du rythme cardiaque et respiratoire. La pétanque ne suffira pas. Déso.
- Le sexe : l’ocytocine, aussi appelée hormone du bonheur ou de l’amour, que l’on sécrète notamment lors d’un orgasme, favorise la neurogenèse. N’hésitez plus : stimulez votre cerveau, faites-vous plaisir !
- Une alimentation saine, riche en fibres (fruits, légumes et céréales complètes) et en aliments fermentés : vive la choucroute et la soupe miso. La neurogenèse peut être fortement perturbée par la présence de bactéries nocives dans l’intestin.
Le stress, ce tueur de neurones
Au contraire, de nombreux facteurs peuvent limiter la production de neurones ou favoriser l’auto-destruction des nouveaux neurones :
- Le stress : lorsque le stress devient chronique, il provoque un trop-plein de cortisol dans le sang, hormone notamment active dans le métabolisme des glucides, des protéines et des lipides. Cette grande quantité de cortisol est ensuite acheminée dans le cerveau, ce qui stoppe la neurogenèse.
- Les psychotropes, comme les anxiolytiques et certains somnifères : leur consommation limiterait les connexions entre neurones. Les neuroscientifiques ont ainsi avancé que les personnes dépressives ne créaient plus de nouveaux neurones.
D’autres éléments peuvent détériorer la neurogenèse et le développement des nouveaux neurones : l’anxiété, le stress post-traumatique, les carences en sommeil, etc.
Une révolution pour le traitement des maladies neurodégénératives et des liaisons du cerveau ?
La découverte de la création de nouveaux neurones tout au long de la vie ouvre le champ des possibles en matière de traitement des maladies neurodégénératives des liaisons du cerveau.
Pourquoi ne pas injecter ou dériver ces jeunes neurones des hippocampes vers les parties dégradées d’un cerveau et mettre ainsi la neurogenèse au profit de l’ensemble du cerveau ?
La neurogenèse pourrait-elle être relancée chez les personnes âgées dont le nombre de cellules souches s’amenuise ?
Les transfusions de jeunes neurones pourraient-elles représenter une fontaine de jouvence pour les cerveaux âgés ou abîmés ?
Les recherches n’en sont qu’à leurs prémices, soyons patients et abstenons-nous de crier au miracle.
[1] Attention, le cerveau vieillit tout de même : les neurones se détériorent sous l’effet de plusieurs facteurs (polluants, toxines, etc.) et le nombre de cellules-souches, à la base de la création de nouvelles cellules, donc de neurones, semble décliner avec l’âge, engendrant un vieillissement cognitif.