Dans une série d’articles, nous allons vous parler du droit d’auteur et de l’intelligence artificielle, sujet hautement discuté ces derniers mois. L’objectif est de répondre à quelques interrogations que soulèvent l’IA et son utilisation : les IA actuelles respectent-elles le droit d’auteur ? Est-ce que je respecte moi-même le droit d’auteur en utilisant les résultats et créations générés par l’IA ? Est-ce que les contenus que je génère via l’IA peuvent être protégés par le droit d’auteur ? etc.
Pour répondre à toutes ces questions, nous avons co-rédigé une série d’articles sur l’IA et le droit d’auteur avec Clara Zlotykamien, experte en droit de la propriété intellectuelle, nouvelles technologies et intelligence artificielle, et précédemment avocate. Nous nous sommes notamment appuyés sur son blog et ses articles très riches d’enseignements, que vous retrouverez ici, ainsi que sur ses publications LinkedIn.
Avant de répondre à des questions précises liées à l’IA et au droit d’auteur, il est nécessaire de poser certaines bases et de commencer par définir ce droit, dont on parle souvent mais qui semble peu compris.
Le droit d’auteur : un droit de propriété intellectuelle
Avant de définir ce qu’est le droit d’auteur en tant que tel, nous devons déjà le situer au sein des droits de propriété intellectuelle, pour ne pas tout confondre. En effet, le droit d’auteur est un droit de propriété intellectuelle, domaine qui se divise en deux grandes catégories de droits :
1. La propriété industrielle, qui se compose de différents droits tels que le droit des marques, le droit des brevets ou encore les indications géographiques comme les AOC par exemple.
2. La propriété littéraire et artistique, qui se compose du droit d’auteur – qui va tout particulièrement nous intéresser, et également des droits dits “voisins” qui protègent par exemple les interprétations, ou encore les premières fixations de son ou d’image etc.
Legal design créé par Clara Zlotykamien
Mais alors, qu’est-ce que le droit d’auteur ?
C’est donc un droit de propriété intellectuelle parmi d’autres, qui protège ce qu’on appelle les “œuvres de l’esprit”, comme par exemple les illustrations, les textes, les musiques, les films, ou encore les photographies, à condition que celles-ci soient originales, c’est-à-dire qu’elles “reflètent l’empreinte de la personnalité” de leur auteur. Vous pouvez d’ailleurs retrouver une liste non exhaustive de ces œuvres de l’esprit à l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle pour les plus motivés.
Attention, pour être protégées, elles doivent bien être matérialisées grâce à une forme d’expression, ce qui exclut d’emblée les simples idées, qui ne peuvent donc pas être protégées par le droit d’auteur.
Le droit d’auteur accorde alors un monopole d’exploitation aux titulaires des droits, leur permettant de contrôler la reproduction et la diffusion de leurs œuvres. D’ailleurs, si c’est bien l’œuvre elle-même qui est protégée, cela n’inclut pas le support sur lequel elle se trouve. Par exemple, vous pouvez être vous-même propriétaire du vinyle que vous venez d’acheter, mais vous ne serez pas pour autant propriétaire de la musique qui y est gravée… puisque celle-ci, protégée par des droits d’auteur, est la propriété de son auteur ou de tout autre titulaire des droits !
Le droit d’auteur vise ainsi à protéger les intérêts des créateurs tout en assurant un équilibre avec les besoins de la société, notamment pour l’accès à la culture et aux savoirs.
Un droit différent du copyright
Contrairement à une idée reçue, le droit d’auteur s’acquiert sans aucun dépôt (à l’inverse du droit de marque, par exemple). Ainsi, les œuvres de l’esprit matérialisées et originales seront automatiquement protégées par le droit d’auteur, sans avoir à procéder à une formalité.
Cette fausse idée est certainement alimentée par une confusion très courante entre le droit d’auteur, qui est un droit des pays européens, et le copyright, qui est quant à lui un droit des pays anglo-saxons. Pourtant, “droit d’auteur” n’est pas la traduction de “copyright”, et inversement : ce sont bien deux droits distincts. Et s’il existe des points communs entre eux, il existe aussi des différences, notamment concernant le besoin ou non de dépôt. Le copyright peut en effet nécessiter un dépôt et enregistrement de l’œuvre auprès d’un office dédié.
Comment autoriser l’exploitation des œuvres protégées ?
Si l’auteur détient par principe les droits d’auteur sur son oeuvre, il peut bien évidemment autoriser les tiers à exploiter celle-ci, et ce via deux principaux contrats :
1. La licence, qui accorde un simple droit d’usage à la personne qui reçoit l’autorisation. Il n’y a ici aucun transfert de propriété, et on pourrait alors assimiler cela à une sorte de location ;
2. La cession, par laquelle l’auteur transfère la propriété de son œuvre à une autre personne, et qui s’apparenterait alors davantage à une vente.
Soyez d’ailleurs prudents à ce sujet, car un contrat mal rédigé pourrait être considéré comme non valide, surtout lorsqu’il s’agit d’un contrat de cession de droits d’auteur. Nous ne pouvons que vous conseiller de vous rapprocher d’un avocat pour rédiger ces contrats-là !
Quels risques en cas de non-respect du droit d’auteur ?
Si vous ne respectez pas les droits d’auteur qu’une personne détient sur une création, vous commettez alors ce qu’on appelle un acte de contrefaçon. La contrefaçon englobe ainsi tous les actes portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle via une exploitation non autorisée, et ce quel que soit le droit en cause : droit d’auteur, marque, dessins et modèles, brevets etc.
Legal design créé par Clara Zlotykamien
Commettre un acte de contrefaçon, c’est commettre un délit civil pouvant, par exemple, entraîner le paiement de dommages et intérêts, mais c’est également commettre un délit pénal pouvant entraîner une peine d’amende et/ou d’emprisonnement. Cette peine peut par exemple aller jusqu’à 300 000 euros d’amende et 3 ans d’emprisonnement…et parfois encore plus selon les situations ! Toutes ces différentes sanctions peuvent d’ailleurs se cumuler.
Ainsi, lorsque vous exploitez une œuvre, assurez-vous de bien avoir les autorisations nécessaires !
Dans le prochain article, nous vous parlerons du droit d’auteur dans la production de formations, et notamment d’e-learnings. À très bientôt !
A propos de Clara Zlotykamien
Précédemment avocate, Clara est experte en droit de la propriété intellectuelle, nouvelles technologies et intelligence artificielle. Animée par la volonté de rendre le droit accessible à tous, elle dispense aujourd’hui des formations auprès de professionnels ainsi que des cours dans diverses écoles supérieures.
Illustration réalisée via Dall-E.
Création, Droit, Droit d'auteur, e-learning, formation, Justice