[Sus aux neuromythes !] Episode 7 : Buvez de l’eau et musclez votre cerveau ! (partie 2/2)

|  1 Commentaire

Chose promise, chose due. Voici la deuxième partie et fin de ce septième épisode de la série “Sus aux neuromythes”. Si vous avez loupé la première partie, cliquez ici, ou .
 

Faux dans la théorie…

 
D’après ses créateurs, la Brain Gym®, grâce à ses quatre étapes constitutives (les étapes ECAP : énergie, clair, actif, positif ), permettrait de coordonner les parties du cerveau afin de le rendre apte à apprendre et à mémoriser.

La Brain Gym® viserait à toucher les « trois grandes dimensions » du cerveau. Nous allons les passer en revue et expliquer pourquoi cela ne fonctionne pas scientifiquement, d’un point de vue théorique tout d’abord.

La méthode développée par les époux Dennison permettrait de coordonner le cerveau dans sa latéralité tout d’abord, en favorisant la synchronisation des hémisphères, afin que la spontanéité (qui serait logée dans la partie droite du cerveau) et la rationalité (elle cachée dans la partie gauche du cerveau) fonctionnent de concert dans la phase d’apprentissage. Aussi, pour cela, un des exercices consiste à placer le coude droit sur le genou gauche et inversement. Wahou.

Par où commencer ? Je ne vais pas trop m’étaler car j’ai déjà rédigé un article sur la question mais seulement préciser qu’aucun des deux hémisphères ne domine l’autre (NEUROMYTHE !) et que le cerveau se débrouille très bien tout seul pour créer des ponts entre les deux parties du cerveau. Ça tombe bien car chaque activité humaine nécessite en permanence leur action commune.

La Brain Gym® permettrait aussi d’améliorer la focalisation du cerveau en facilitant la coordination entre l’avant (le cortex frontal), le centre (le thalamus) et l’arrière du cerveau (le cortex pariétal). Plusieurs exercices, notamment posturaux, amélioreraient l’attention en activant simultanément ces trois éléments du cerveau. Parmi ceux-là, on peut citer l’exercice consistant à croiser ses jambes et ses pieds, entrelacer ses doigts tout en les rapprochant de sa poitrine. Ce type d’exercice permettrait aussi de se sentir en sécurité dans son corps car, dans cette position, on ne pourrait pas fuir. QUOI DE PLUS RASSURANT !

L’attention est un processus très complexe et qui nécessite des zones du cerveau totalement opposées ainsi que l’activation de réseaux neuronaux différents selon la tâche à réaliser. Aussi, il existe plusieurs types d’attention et il semble loufoque de penser que de simples exercices physiques de quelques secondes permettraient d’améliorer la concentration de chacun, quel que soit le type d’apprentissage qui suivra. De plus, l’hypothèse selon laquelle il existe une symétrie entre corps et cerveau, par exemple entre l’arrière du cerveau et du corps ou l’avant du cerveau ou du corps, est fausse.

Enfin, la Brain Gym® permettrait de coordonner les parties hautes et basses du cerveau dans une optique de « centrage » de celui-ci, afin d’atteindre un point d’équilibre entre raison et émotions. Rien que ça. Pour cela, les époux Dennison proposent des activités dites « énergétiques » comme celle consistant à placer deux doigts au niveau du menton et de laisser pendre l’autre main vers le nombril en gardant le regard vers le bas tout en imaginant respirer à partir du centre du corps (sic).

Les recherches en neurosciences démontrent que chaque émotion est traitée dans une zone différente suivant son type, mais aussi suivant l’objectif poursuivi par le cerveau (planification, inhibition ou régulation des émotions sont par exemple gérées par le cortex préfrontal). De plus, la dichotomie entre raison et émotion est arbitraire tant certaines émotions dites « complexes » nécessitent un raisonnement et des décisions qui pourraient être décrites comme rationnelles. Enfin, encore une fois, il n’existe pas de parallélisme entre parties hautes et basses du corps et zones supérieures et inférieures du cerveau.

Le nombre d’exercices fantasques et d’approximations scientifiques ne s’arrête pas là. Prenons par exemple l’activité qui consiste à boire de l’eau par petites gorgées, en pleine conscience et surtout en gardant cette eau quelques secondes dans sa bouche. Pourquoi ? Pour qu’elle soit directement assimilée par le cerveau. Bon, pas besoin d’aller plus loin.
 

… et dans la pratique

 
Si en théorie, la méthode Brain Gym® et les hypothèses de base ne reposent sur aucune base biologique ou neuroscientifique sérieuse (mais davantage sur des approximations voire des affabulations scientifiques), eh bien dans la pratique, c’est la même chose. En effet, ces exercices, au-delà de leur côté loufoque voire ridicule, n’auraient aucun impact vérifiable scientifiquement sur l’apprentissage et sa facilitation.

Pour défendre la Brain Gym®, ses fervents supporters (qui en vivent, faut pas déconner) publient des études prouvant son efficacité. Sauf que 64% des études sont éditées sur le journal ou le magazine Brain Gym® et ne sont pas soumises à une relecture par des scientifiques indépendants. D’après les époux Dennison, cette validation scientifique n’est pas nécessaire car le vrai gage de réussite de cette méthode réside dans les témoignages des adeptes et des anecdotes de personnes « soignées » grâce à la Brain Gym®. Comme c’est pratique.

Qu’en est-il des études scientifiques sérieuses ? Eh bien aucune n’est arrivée à prouver l’efficacité prétendue de cette méthode. La Brain Gym® n’aurait pas d’effet avéré sur le cerveau. En tout cas, pas plus que n’importe quel exercice physique qui ne serait pas labellisé Brain Gym®, qui est une marque déposée. L’activité physique dans sa globalité, comme la gymnastique traditionnelle par exemple, est bénéfique pour l’apprentissage. Elle permet aux enfants d’être en meilleure santé, de développer leurs capacités cognitives, d’améliorer le fonctionnement de leur cerveau et d’être davantage ouverts, attentifs et même heureux ! Mais réaliser les 26 exercices préconisés par la Brain Gym® ne permet pas spécifiquement de conditionner le cerveau à l’apprentissage.
 

Pourquoi ce neuromythe est dangereux

 
Si l’exercice physique de manière générale est bénéfique pour le cerveau, pourquoi ne pas proposer aux enfants la réalisation des exercices préconisés par la Brain Gym® ? Pourquoi dénoncer cette méthode qui rencontre un succès populaire planétaire et ce, auprès de nombreux types de public (enfants, éducateurs, professeurs, coachs, etc.) ?

Ces exercices ne représentent pas un réel danger en tant que tels. Cependant la Brain Gym® permet la propagation et l’ancrage de fausses idées sur le cerveau, le corps et leur fonctionnement auprès des personnes chargées de l’enseignement, mais aussi de leurs élèves. Les principes mêmes de cette méthode sont invalidés par nos connaissances en neurosciences.

De plus, Brain Gym® est une marque déposée appartenant à une entreprise donc l’objectif, eh bien c’est de faire de la tune. Aussi, tout un écosystème très rentable s’est construit autour de cette méthode et de nombreux « charlatans » certifiés par Brain Gym® accaparent l’argent de pauvres naïfs, argent qui pourrait être investi pour réellement favoriser l’apprentissage de nos chères têtes blondes.

Mais pourquoi alors Brain Gym® remporte-t-il autant de succès ? Cette « méthode » offre des solutions faciles, rapides à mettre en place, ludiques et annoncées comme miraculeuses pour un problème très complexe à gérer. Elle utilise un vocabulaire soigné, accompagné d’un « vernis scientifique », et en donne des conseils relevant du bon sens (boire de l’eau, no shit !). Qui n’aurait pas envie d’y croire ?

Malheureusement, beaucoup d’individus, qu’ils soient formateurs, enseignants ou élèves ne bénéficient pas des connaissances basiques sur les neurosciences et le fonctionnement du corps dans son ensemble, ce qui les rend totalement vulnérables face à ces vendeurs de rêve aux méthodes élaborées et éprouvées et au jargon pseudo-scientifique.

Comment éviter d’être piégé alors ? Doutez, doutez de tout et de tout le monde (surtout de ceux qui proposent une solution-miracle) et croisez vos lectures, de préférence sur des sites « sérieux », afin de vous faire votre propre avis. Sacré programme… Allez, au boulot !
 
 


 , , ,

Aymeric Debrun

  • Diplômé de Sciences Po Lyon – Master Coopération internationale et aide au développement

Découvrir un domaine inconnu, une nouvelle idée, une information ignorée. Se mettre à lire, étudier, analyser, comprendre. Puis approfondir, creuser, se passionner. Et enfin intriguer, intéresser, expliquer, transmettre. Et recommencer.

Un chemin maintes et maintes fois parcouru aussi bien dans ma vie personnelle qu’étudiante. Chez Sydo, j’ai trouvé un travail pour continuer à l’arpenter et faire de ce chemin… un schéma pédagogique.

Articles similaires

 Un commentaire


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.