L’école est finie – Partie 6 : Et si la classe mutuelle était plus d’actualité que jamais ?

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Gardons espoir ! Le contexte est avec nous ! Internet est partout maintenant, et même dans l’enseignement (ça s’est pas mal accéléré avec ce satané Covid). Et ça tombe bien : la méthode de la classe mutuelle est parfaitement adaptée pour être utilisée en ligne. Les étudiants peuvent être organisés en groupes en ligne, utiliser des outils collaboratifs pour communiquer et partager des informations et s’entraider et même transmettre eux-mêmes des compétences à leurs camarades. La sacro-sainte classe est dépassée donc tout peut être réinventé !
 
En outre, aujourd’hui, avec internet, tout le monde a accès à l’information. Le monopole du savoir que détenait le professeur (et d’autres personnes) est de facto dépassé. Une personne curieuse peut rapidement développer une certaine forme d’expertise dans des domaines très spécifiques. Il serait dommage de se passer de ces connaissances glanés en-dehors des murs des classes. La place et le rôle du professeur doivent évoluer, s’enrichir.
 
De plus, malheureusement, comme tout le monde le sait, les inégalités, quelles qu’elles soient, ne cessent de croître. Là encore, la classe mutuelle a (une partie de) la solution : une approche permettant à chaque élève d’avancer à son propre rythme et de travailler sur ses propres lacunes. Cela pourrait notamment permettre de réduire l’échec scolaire en évitant que certains élèves ne soient laissés de côté par le système. Grâce à la classe mutuelle et l’enseignement par les pairs, l’enseignant peut prendre le temps de travailler individuellement avec les élèves en difficulté, tandis que les autres peuvent continuer à avancer. Cette méthode peut activement contribuer à réduire les inégalités sociales et à favoriser l’épanouissement des élèves.
 
Enfin, la pédagogie mutuelle pourrait permettre aux élèves de développer des compétences sociales très importantes et recherchées dans notre société, notamment dans le monde du travail, comme les facultés de travailler en groupe, écouter, communiquer, vulgariser, mais aussi l’autonomie et la responsabilisation.
 
En somme, la pédagogie mutuelle peut être une réponse efficace aux défis actuels de l’éducation, et plus globalement de la société.
 

Comment faire ?

 
Plusieurs personnes se sont penchées sur la pratique, et notamment Vincent Faillet, enseignant-chercheur en didactique des mathématiques à l’Université de Paris et expert de l’enseignement mutuel. Pour lui, la classe mutuelle repose sur plusieurs piliers : la collaboration, l’individualisation (via l’accompagnement personnalisé pour répondre aux besoins spécifiques de chacun) et la responsabilisation, car dans l’enseignement mutuel, chaque élève est responsable de son propre apprentissage, ce qui fait croître l’autonomie et la confiance en soi.
 
Il propose de découper les phases d’enseignement, qui durent chacune 1h30, en 3 actes :
 
1er acte (environ 20 minutes) : un cours plutôt classique sur des notions conceptuelles très fortes lors duquel l’enseignant fait appel à son savoir et le partage avec les élèves.
 
2ème acte (environ 60 minutes) : classement des élèves en trois groupes suivant leur expertise sur la question et leur niveau de compréhension. Puis, création de groupes de travail au sein desquels chaque groupe d’expertise (bonne compréhension, compréhension correcte et compréhension limitée) serait représenté, afin que se créent une entraide et un partage de connaissances par les pairs. Durant ce temps, une fois les groupes constitués, l’enseignant accompagne les élèves en difficulté et maintient un certain cadre de travail.
 
3ème acte (environ 10 minutes) : un temps de bilan et d’institutionnalisation des savoirs acquis pour pouvoir répondre à des questions, faire reformuler par les élèves les connaissances acquises et les compléter.
 
Voici quelques autres pratiques qui peuvent être utilisées dans le cadre de la méthode de la classe mutuelle dans une salle de cours (ou de formation d’ailleurs) :
 
Encouragez l’apprentissage autonome en poussant les élèves à choisir le sujet qu’ils veulent étudier afin qu’ils deviennent des experts dans leur domaine.$
 
Utilisez des outils collaboratifs physiques (tableaux par exemple) ou virtuels (tableaux blancs virtuels, forums ou chats en ligne, etc.) pour permettre aux élèves de communiquer et de partager des informations.
 
Encouragez la réflexion sur ce que chaque élève a appris et la rétroaction, en faisant un retour à l’élève-professeur.
 
Pour mettre en place l’enseignement mutuel en classe, Vincent Faillet préconise plusieurs pistes :
 
Organiser la classe en groupes de travail : les élèves sont répartis en petits groupes, chacun travaillant sur un même sujet ou un même problème. Les groupes sont constitués de manière à mélanger les niveaux et les compétences des élèves.
 
Mettre en place des activités collaboratives : les élèves sont invités à travailler ensemble pour résoudre des problèmes ou pour réaliser des projets. Les activités sont conçues de manière à permettre à chaque élève de contribuer et de bénéficier des apports des autres.
 
Utiliser des outils numériques : les outils numériques peuvent faciliter l’organisation et la mise en place de l’enseignement mutuel. Des plateformes en ligne permettent par exemple de créer des espaces de travail collaboratif ou de suivre l’avancement de chaque élève.
 
En résumé, pour Vincent Faillet, l’enseignement mutuel est une méthode pédagogique qui permet de favoriser la collaboration, l’individualisation et la responsabilisation des élèves. En organisant la classe en groupes de travail, en mettant en place des activités collaboratives et en utilisant des outils numériques, l’enseignement mutuel peut être une solution pour répondre aux besoins et aux attentes de chaque élève.
 

Et sinon, la classe mutuelle dans la formation ?

 
Bon, parce que je suis quand même concepteur de formations et formateur, on va quand même parler spécifiquement formation… et classe mutuelle.
 
Alors, est-ce que c’est possible de l’appliquer ? et si oui, comment ?
 
Oui, c’est possible ! et vous le faites peut-être déjà en partie ! Il est a minima très probable que vous ayez déjà suivi une formation adoptant certains des préceptes de la classe mutuelle. Quelles sont les bonnes pratiques à suivre ?
 
– Tout d’abord, il est important de définir des objectifs clairs et précis pour chaque séance d’apprentissage (bon, ça c’est le cas pour toute formation).
 
– Ensuite, il faut organiser les participants en groupes de travail, en fonction de leurs compétences et de leurs intérêts notamment.
 
Mettre en place des activités pour chaque groupe afin que tous les participants puissent collaborer et échanger des informations.
 
Créer et maintenir un environnement de confiance et de respect mutuel afin de favoriser l’échange et la communication.
 
Cette méthode peut être très utile dans les environnements d’apprentissage où les apprenants ont des niveaux de compétence différents, ce qui est souvent le cas dans les formations.
 
La classe mutuelle semble pouvoir facilement être mise en place dans le cadre d’une classe virtuelle notamment, grâce aux différentes options proposées par les outils de visio, mais aussi grâce aux outils existant sur le marché.
 
La classe mutuelle peut aussi, dans le cadre d’une formation, permettre de développer ses compétences en matière de collaboration, de communication, de résolutions de problèmes en groupe ou encore d’idéation : autant de compétences recherchées dans de nombreux contextes professionnels.
 
Attention, la classe mutuelle ne convient pas à toutes les situations de formation, notamment pour des formations sur des connaissances très spécialisées, des gestes métiers par exemple. Il ne faut pas passer d’un dogmatisme à un autre. L’efficacité de la classe mutuelle (et le choix de l’appliquer ou pas) dépendra in fine des besoins spécifiques des apprenants, ainsi que du contexte et des objectifs d’apprentissage.
 
 
 
Pour conclure cet article et cette série, je tiens à bien affirmer que l’enseignement mutuel (comme l’enseignement simultané par ailleurs) n’est pas la panacée. Ce n’est pas une solution-miracle qui marcherait dans tous les contextes, pour tous les besoins.
 
Par ailleurs, ce n’est pas la seule approche pédagogique “alternative”. Il existe de multiples méthodes, approches et innovations à découvrir, susceptibles de favoriser un apprentissage épanouissant et adapté. Soyez curieux, regardez ce qui se passe ailleurs et surtout restez ouverts à la remise en question de vos habitudes et croyances, interrogez-vous et questionnez vos pratiques. L’enjeu est de promouvoir la diversité, l’expérimentation et la réflexion critique en matière de transmission de connaissances et de compétences afin de construire un système plus juste, efficace, inclusif et émancipateur.
 
On commence maintenant ?
 
 
 


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Aymeric Debrun

  • Diplômé de Sciences Po Lyon – Master Coopération internationale et aide au développement

Découvrir un domaine inconnu, une nouvelle idée, une information ignorée. Se mettre à lire, étudier, analyser, comprendre. Puis approfondir, creuser, se passionner. Et enfin intriguer, intéresser, expliquer, transmettre. Et recommencer.

Un chemin maintes et maintes fois parcouru aussi bien dans ma vie personnelle qu’étudiante. Chez Sydo, j’ai trouvé un travail pour continuer à l’arpenter et faire de ce chemin… un schéma pédagogique.

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