Idiocracy, dans la vraie vie ? (partie 2)

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Il y a de ça deux semaines, je vous présentais l’effet Flynn. Parlons aujourd’hui ensemble de son corolaire, l’effet Flynn inversé (ou encore effet Flynn négatif). Alors comme ça, on est de moins en moins intelligents ?
 

L’effet Flynn inversé

 
Le QI moyen dans les sociétés dites « développées » connaîtrait une importante chute depuis plus de 30 ans : on parle d’effet Flynn inversé (ou négatif). En tout cas, c’est ce qu’avance Richard Lynn, psychologue, et Edward Dutton, anthropologue dans une « étude » réalisée en 2015. Et ce ne sont pas les premiers à avoir tiré la sonnette d’alarme. En effet, James Flynn himself avait pointé du doigt quelques années auparavant ce phénomène.

Dans leur article « A negative Flynn Effect in France, 1999 to 2008 », paru dans la revue « Intelligence » (ça ne s’invente pas) les deux « chercheurs » avancent ainsi que le QI moyen des Français aurait baissé de 3,8 points entre 1999 et 2008.

Mais la France ne serait pas le seul pays touché d’après Lynn et Dutton : tous les « pays occidentaux » le seraient également ! Le QI moyen dans les pays scandinaves, en Angleterre, en Australie, aux Pays-Bas ou encore en Allemagne serait en chute libre, et ce, depuis plus de 15 ans !

Ainsi, une autre étude, menée cette fois par Jante Nijenhuis et Henkvan der Flier, sous la forme d’une méta-analyse, parue en 2013 dans la revue « Intelligence » (encore… c’est étrange) avance ainsi que les Britanniques auraient perdu 14 points en moyenne de QI depuis la seconde révolution industrielle. Les sujets de la Reine réfléchiraient moins bien, mais aussi moins rapidement ! En effet, les temps de réaction à un stimulus seraient croissants depuis l’ère victorienne. Plus cons et plus lents donc.

Ces études ont immédiatement fait les choux gras des médias pas avares de sujets traitant de la théorie de l’effondrement et autres joyeusetés avancées par les collapsologues. La fin est proche, si on vous le dit !
 

Un classement de l’intelligence par race et par sexe

 
Revenons-en à nos moutons, Richard et Edward. Mais qui sont ces moutons exactement ?

Ils sont « sulfureux », ils « défrayent la chronique », ils sont « controversés » ou encore « politiquement incorrects ». C’est ce que je dirais si je bossais comme chroniqueur à CNews.

Commençons par le plus jeune, le plus timide au fond : Edward Dutton. Cet anthropologue anglais a un doctorat en études religieuses. Le rapport avec l’intelligence me direz-vous ? Bworf.

Qu’est-ce qu’on sait d’autres sinon sur ce cher Monsieur ? Il a co-signé un texte résolument eugéniste publié dans le magazine… Intelligence. Sinon, quelques relents antisémites : il prétend ainsi que les Juifs seraient par nature ethnocentriques et que le rejet des autres communautés serait inscrit dans leurs gènes. Ah et sinon, d’après lui, l’athéisme proviendrait de mutations néfastes dues à la disparition de la sélection naturelle.

Il dirige aussi la revue d’anthropologie Mankind Quarterly, fondée par des ségrégationnistes et dont le fonds de commerce est principalement le suprématisme blanc. Bonne ambiance.

Bon, passons à son compère, notre cher Richard Lynn. Lui, son dada, c’est de faire des tier list pour ranger sexes et races selon le niveau d’intelligence (je vous laisse deviner qui termine tout en bas…). Fun, non ? J’attends qu’il lance sa chaîne twitch pour qu’on puisse co-construire ce classement de façon interactive.

Si ça vous intéresse, il a fait des cartes assez sympas pour traiter de la répartition géographique et raciale du QI, comme celle ci-dessous. Envie de vomir ? C’est normal.
 

https://www.breizh-info.com/2020/02/24/136781/richard-lynn-qi-differences-raciales/
 
Bon, et son CV ? Il se fait retirer en 2018 son titre de professeur émérite de l’Université d’Ulster suite à ses propos sur les races, il est pointé du doigt comme adepte du suprématisme blanc et est pris en exemple par bon nombre d’adeptes de la théorie du grand remplacement.

Ainsi, il disait en 2011 : « Je suis profondément pessimiste quant à l’avenir des peuples européens, car une immigration massive des peuples du tiers monde les amènera à devenir majoritaires aux États-Unis et en Europe occidentale au cours de notre siècle. Je pense que cela signifiera la destruction de la civilisation européenne dans ces pays » [1].

Eh sinon, d’après lui, plus il fait froid là où on crèche, plus on est intelligent. Bah oui, les milieux froids sont plus exigeants : il faut réfléchir afin de trouver des solutions pour ne pas mourir de froid. Logique implacable.

Ah oui, il propose aussi aux États américains (encore) majoritairement blancs de faire sécession (avant de ne plus l’être).
Bon, vous l’aurez compris, globalement l’effet Flynn inversé est un discours de bons gros racistes.
 

« Une méthode ? ah parce qu’il en fallait une ? »

 
Maintenant que nous sommes un peu plus au fait concernant les loustics ayant pondu cette étude, intéressons-nous un peu plus à leurs travaux stricto sensu, et plus particulièrement à leur méthode, en tentant (un peu) de mettre de côté leur préférence résolue pour la couleur blanche.

Commençons par nous pencher sur l’échantillon français utilisé par Chapi et Chapo pour tirer leurs conclusions. Celui-ci est composé de 79 personnes âgées de 30 à 63 ans. Oui, oui, 79. Vous avez bien lu. Pas un peu juste pour tirer des grandes conclusions sur le déclin d’une société de plus de 60 millions d’âmes et faire paniquer tout le monde ?

Par ailleurs, aucune information complémentaire n’est fournie quant à la représentativité éventuelle de cet échantillon (nombre d’années d’études, nombre de personnes pour chaque tranche d’âge ou encore catégories socio-professionnelles, etc.). Ah si, on sait autre chose, la moyenne d’âge est de 45 ans et il y aurait deux groupes d’âge, un composé d’individus de 30 à 34 ans et un autre composé d’individus de 55 à 63 ans. On est sauvés.

Penchons-nous maintenant sur les outils utilisés par nos apprentis sorciers. Ils utilisent un « test d’intelligence » développé en 1997, la WAIS-III (ou échelle d’intelligence de Wechsler pour adultes – troisième forme). Ce test est destiné aux personnes de 16 à 89 ans et est composé de 14 « échelles verbales et non-verbales », des sous-tests qui « mesurent » les capacités cognitives des testés.

Quatre grands domaines de facteurs sont en fait compris dans ce test : compréhension verbale, organisation perceptuelle, mémoire de travail et vitesse de traitement. Dans ce test, on mesure les aptitudes des cobayes en vocabulaire, en arithmétique, en logique, etc. Mais qu’est-ce qu’on en a à faire ? Vous verrez, ce point aura son importance plus tard.

Les cobayes ont donc passé ce test en 1999 et en 2009, 10 ans plus tard, pour voir l’évolution de leur QI. Habituellement, pour mesurer la diminution ou la progression entre deux générations des scores de QI, les tests sont actualisés, rééchelonnés. L’objectif est notamment de prendre en compte l’évolution sociale entre les deux dates dans les tests qu’on fait passer. Habituellement… Et là ? Bah non.
 

« Tout ça, c’est dans les gènes ! »

 
Avant de nous pencher plus sérieusement de façon critique sur les résultats obtenus, intéressons-nous un peu aux causes avancées pour le déclin du QI en France et dans les « pays occidentaux » d’après nos deux « chercheurs ».

Accrochez vos ceintures :

• Déjà, les personnes avec un QI plus élevé feraient bien moins d’enfants que ceux avec un QI plus faible. Une nouvelle forme de « fécondité de combat » ou de « guerre des berceaux » en somme. Mais cette fois, la guerre est déclarée par les imbéciles. En plus, les personnes avec un QI élevé font des enfants plus tard car les femmes font des études, à la différence des couches d’individus au QI plus limité. Rendez-vous compte !

• De plus, les personnes faiblement dotées au niveau des compétences cognitives ne sont plus naturellement éliminées. Il n’y a plus de sélection naturelle dans nos sociétés modernes. D’où la prolifération d’imbéciles, encore. Là, on se rapproche de plus en plus du scénario d’Idiocracy.

• Enfin, l’immigration massive subie par les sociétés occidentales serait le coup de grâce d’après Lynn et Dutton. Bah oui, ils nous ont déjà tout expliqué (ou presque) : les immigrés arrivant en France sont majoritairement issus d’Afrique, là où le QI est le plus faible. En plus, leur taux de fécondité est bien supérieur à celui des Français « de souche » (vous n’imaginez pas à quel point ça m’arrache le cœur d’écrire ça, foutu métier). Donc, nous sommes doublement envahis par des idiots, pas blancs qui plus est.

Donc, en gros, ce serait la faute des femmes, des immigrés (surtout des femmes immigrées en fait) et du confort quotidien dans lequel nous nous vautrons.
 

Haschisch, perturbateurs endocriniens et jeux vidéo

 
Il y a d’autres causes, plus ou moins folkloriques, avancées notamment dans les médias, pour expliquer le déclin intellectuel de nos sociétés. Malheureusement pour les individus avançant ces explications, les preuves scientifiques pour étayer ces théories manquent. On peut citer notamment :

La banalisation de la consommation de haschisch ;

La pollution, les perturbateurs endocriniens et autres modifications environnementales, qui viendraient bloquer l’action bénéfique de l’iode pour le développement du cerveau ;

La décrépitude de nos systèmes éducatifs – tous les systèmes éducatifs « occidentaux » en même temps, du Japon à la Norvège en passant par la France – bien qu’ils ne se ressemblent que peu et que les études PISA semblent démontrer le contraire (en tout cas pour certains de ceux-ci) ;

La baisse d’exigence des emplois sur le plan cognitif. On ferait des tâches demandant de moins en moins de réflexion, notamment dans le secteur tertiaire ;

L’utilisation massive d’appareils électroniques et le temps passé devant les écrans, notamment à jouer aux jeux vidéo (bien que les pays dotés des QI moyens les plus élevés soient aussi les plus technophiles) !
 
 
En résumé, trop de loisirs, trop de confort et surtout pas assez de travail ! Trop de bonheur rendrait bête visiblement, le travail c’est la santé ET l’intelligence. Le confinement actuel devrait donc nous aider à renverser la courbe, j’imagine.

Ce serait donc si simple ? Sommes-nous condamnés à être de plus en plus bêtes ? Réponse la semaine prochaine (ou la semaine suivante, ça va dépendre de ma charge de travail). À tantôt !
 
 
 
 
[1] https://www.splcenter.org/fighting-hate/extremist-files/individual/richard-lynn
 
 
 
 
Tous les articles de la série :
Idiocracy, dans la vraie vie ? (partie 1)
Idiocracy, dans la vraie vie ? (partie 2)
Idiocracy, dans la vraie vie ? (partie 3)
Idiocracy, dans la vraie vie ? (partie 4)

 
 
 


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Aymeric Debrun

  • Diplômé de Sciences Po Lyon – Master Coopération internationale et aide au développement

Découvrir un domaine inconnu, une nouvelle idée, une information ignorée. Se mettre à lire, étudier, analyser, comprendre. Puis approfondir, creuser, se passionner. Et enfin intriguer, intéresser, expliquer, transmettre. Et recommencer.

Un chemin maintes et maintes fois parcouru aussi bien dans ma vie personnelle qu’étudiante. Chez Sydo, j’ai trouvé un travail pour continuer à l’arpenter et faire de ce chemin… un schéma pédagogique.

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 2 commentaires


  • Aurore

    Merci beaucoup pour cet article qui remet un peu les pendules à l’heure !

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  • Vin

    Après techniquement si on explique l’effet Flynn par l’amélioration de l’éducation et de l’implication des familles dans l’éducation des enfants (entre autre) dans les pays développés, la carte soit disant « raciste » des QI en fonction des pays n’est pas fausse en soit, certes elle mériterait des vérifications approfondies par de nombreuses études, mais il existe bien une différence factuelle entre les pays développés et les pays en voie de développement au niveau de l’accès à l’éducation qui permettrait de valider cette carte, ainsi elle n’est pas raciste car non fondée sur des « races » mais simplement sur la situation économique des pays. Preuve en est que la majeur partie des enfants des pays en voie de développement qui partent étudier en occidents sont très cultivés et intelligents et font de longues études. Du coup s’ils considèrent que cet « effet Flyn » inversé a commencé à la fin des années 90 et se poursuit aujourd’hui, on pourrait voir un lien avec l’immigration massive dans les années 80 sous Francois Mitterant qui a simplement amené un grand nombre de personnes au QI plus faible (toujours dû à la qualité plus faible de l’éducation de leur pays d’origine) à venir en France. Ces personnes qui se sont ensuite pour la majorité retrouvées parkés dans des ghettos ont fait des enfants qui grandissent aujourd’hui dans des cités où l’accès à l’éducation est plus difficile qu’ailleurs en France.

    Tout ça n’est qu’une idée théorique qui ne demande qu’à avoir tort, mais qui n’a rien de raciste expliquée ainsi, je pars évidemment du principe que n’importe qui, peut importe son origine est intelligent et peut devenir cultivé et brillant simplement en ayant accès à une bonne éducation et à un système d’éducation développé ou en étant poussée et aidée par les bonnes personnes.

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