L’e-learning, c’est comme le numérique ou la transition écologique : tout le monde en parle, tout le monde en fait, tout le monde trouve ça génial, mais personne ne sait ce que ça veut dire. C’est cool, un point c’est tout.
Cela dit, l’expression a été inventée bien avant de faire partie de la liste des pauvres mots que la novlangue marketingo-entrepreneuriale a décidé de vider de leur sens et de ridiculiser.
(RIP « compétence », « motivation », « innovant », « numérique », « écologie » et tous leurs « amis »).
Définissons donc une bonne fois pour toutes ce qu’e-learning veut dire – et défions ainsi, une fois encore, la grande machine à broyer les mots et à formater les esprits.
Un truc cool mais flou
Nous avons régulièrement affaire à des services formation pour lesquels l’expression « e-learning » peut être synonyme, selon les cas, mais toujours de manière exclusive, de :
• MOOC (la définition variant selon les interlocuteurs, les entreprises, la latitude et la pression atmosphérique)
• Quiz à répétition
• QCM à répétition
• Vidéo d’un formateur en train de parler
• Vidéo d’un collègue en train de parler
• Vidéo de quelqu’un en train de parler
• Jeu vidéo (pour les plus réfractaires)
• PowerPoint (ou PDF) présenté à distance.
Arrêtons-nous là. En tout cas, lorsqu’on n’est pas un spécialiste, on est toujours trop près de l’e-learning, comme en témoignent ces définitions myopiques, ou trop loin (« l’e-learning ? Ben c’est le numérique en formation, quoi » – très éclairant, merci).
Si les serious games, les vidéos en prise de vue réelle, les MOOC ou autres classes virtuelles peuvent faire partie de ce qu’on appelle « e-learning », le terme ne peut pas être réduit à l’une ou l’autre de ces modalités. C’est même tout le contraire : l’intérêt de l’e-learning, c’est justement d’être « multimédia », au sens pré-LinkedIn du terme, c’est-à-dire d’associer dans un même dispositif des médias de natures différentes.
Youpi, un vrai mot !
D’après notre expérience, pour que le mot « e-learning » ne soit pas un énième terme fourre-tout utilisé à toutes les sauces parce qu’il est à la mode, il faut le définir ainsi :
combinaison de ressources pédagogiques et d’activités en vue de former les apprenants à distance via des outils numériques.
Décortiquons rapidement cette définition
« Ressources pédagogiques » : il s’agit des médias servant à délivrer un contenu. On ne peut pas demander à l’apprenant de faire tout lui-même –ouvrir word et se retrouver face à une page blanche, ce n’est pas de l’e-learning. Il faut transmettre du savoir via des outils pédagogiques : fiches, schémas, supports audio ou vidéo, etc. Les médias utilisables sont très nombreux.
« Activités » : pour qu’il y ait e-learning, l’apprenant va devoir mettre la main à la pâte. Sinon, tout internet, c’est de l’e-learning… Et ça donne le tournis. Rappelons une fois encore qu’il ne faut pas confondre formation et information. Pour permettre à l’apprenant de s’approprier les connaissances, de manipuler les idées ou de s’entraîner, on peut tout imaginer : contenus à trous, à réorganiser, à schématiser, à reformuler, à classer, etc. L’important, c’est qu’il soit actif.
« Combinaison » : je n’insiste pas, on a compris : c’est bien le mélange des ressources et des activités qui créent l’e-learning.
« Former » : la formation inclut l’évaluation de l’évolution des apprenants. Pour nous, mettre du contenu à disposition et prévoir des activités sans évaluer la progression des utilisateurs, ce n’est pas faire de l’e-learning : « e » ne doit pas remplacer « learning ». Il est facile d’envoyer du contenu à des tas de gens en même temps mais ce n’est pas suffisant pour prétendre qu’on « forme » instantanément tous ces gens… Il va falloir concevoir un dispositif d’évaluation qui peut aller du simple quiz en fin de module à la réalisation de supports complexes.
Le corolaire, c’est la présence d’humanoïdes à l’autre bout du (sans) fil : si l’on veut arriver à de vrais résultats, les apprenants devront être accompagnés, corrigés et guidés par autre chose qu’une machine…
« À distance via des outils numériques » : le « cours par correspondance » n’est pas considéré comme de l’e-learning, mais éventuellement comme son ancêtre lointain.
Sachons donc de quoi on parle lorsqu’on emploie le mot « e-learning ». Cela évitera les malentendus, les incompréhensions et les discussions creuses. Le ronronnement du marketing et de la communication nuit gravement à l’apprentissage et à la réflexion en général.