Nous avons pris le temps nécessaire pour réfléchir aux motivations de nos apprenants et identifié de bonnes (ou mauvaises…) raisons de réaliser un e-learning (voir notre article précédent). Il est temps de se consacrer à une autre problématique tout aussi capitale :
À qui cet e-learning sera-t-il destiné ?
Comme la précédente, cette question-là peut paraître incongrue ou inutile… elle ne l’est pas du tout. Si nous voulons mettre sur pied un dispositif d’e-learning qui tienne la route, nous devons impérativement nous interroger sur le public concerné. En effet, c’est en examinant notamment les conditions de travail des futurs apprenants, la nature de leur rapport à l’outil informatique, leurs niveaux de connaissance et leur disponibilité que nous pourrons leur proposer un dispositif adapté et efficace.
Quelles conditions de travail ?
La question n’est pas aussi farfelue qu’elle en a l’air. Ne proposons pas d’e-learning à des collaborateurs qui ne travaillent pas sur ordinateur (toute ressemblance avec des situations existantes ou ayant existé n’est absolument pas fortuite) ou qui n’ont pas accès à l’informatique (idem). Mettre un ordinateur au milieu d’un atelier ou d’une usine pour que les collègues se forment en passant n’est pas une bonne idée. Convoquer des salariés les uns après les autres dans le bureau du gérant, seule pièce équipée d’un ordinateur non plus. Faire des groupes d’apprenants pour aller plus vite en inventant l’e-learning à plusieurs : toujours pas. L’E-LEARNING EST INDIVIDUEL – même si l’on peut (ou doit, selon les cas) favoriser l’émergence de communautés d’apprenants.
On ne peut créer un dispositif efficace que si les conditions matérielles sont réunies : l’e-learning, qui peut constituer un changement conséquent dans les habitudes de formation des apprenants, doit être parfaitement adapté à leurs conditions de travail afin qu’il soit facile et pratique pour eux d’y participer.
Quel rapport à l’informatique ?
Pour pouvoir participer correctement au dispositif d’e-learning, les participants doivent maîtriser les bases de l’outil informatique. Là encore, ce questionnement peut paraître superflu, mais notre expérience montre que ce n’est pas parce qu’on utilise chaque jour les mêmes fonctionnalités de sa machine qu’on est capable d’en ajouter d’autres. Si l’on ne veut pas que les participants soient découragés par des obstacles trop nombreux, il faut donc commencer par évaluer ce qu’ils sont capables de faire avec un ordinateur. Des tests peuvent être réalisés sous la forme de questionnaires envoyés par mail par exemple, ou « grandeur nature », en demandant aux futurs apprenants de se connecter à telle ou telle plateforme en utilisant mots de passe et identifiants et en étudiant le résultat.
Si les utilisateurs rencontrent des difficultés pour accéder à l’e-learning, ouvrir les bonnes pages, faire les manipulations nécessaires, ou même demander de l’aide, il y a peu de chances que le dispositif fonctionne… et les compétences des uns et des autres ne sont pas toujours aussi claires que ce qu’on croit.
Quels niveaux de connaissance ?
Étudions à la loupe le niveau de connaissance des apprenants sur le sujet prévu pour l’e-learning. Méfions-nous des « dispositifs de formation à distance à destination de tous les collaborateurs de l’entreprise (1500 personnes) » : à moins qu’on ait la nécessité de former tous les collaborateurs à la pêche à la ligne sur banquise (et encore), il y a fort à parier que tout le monde n’a pas le même bagage. S’il apparaît que les niveaux de connaissance sont hétérogènes, il convient de prévoir un dispositif adaptatif proposant à chacun la formation qu’il sera capable de suivre et qui ne s’avèrera pas trop simple à la fois. Si on n’a pas les moyens d’élaborer un tel dispositif, on ciblera les collaborateurs les plus nombreux à avoir un niveau de connaissance équivalent.
Quelle disponibilité ?
Opter pour l’e-learning ne veut pas dire faire disparaître le temps de formation : même à distance, la formation représente pour les utilisateurs une durée qu’il convient d’adapter à leurs disponibilités. Comme on le verra dans la suite de notre série d’articles sur l’e-learning, se former devant un écran veut dire fréquenter une plateforme d’apprentissage régulièrement, et pendant des temps réduits. La courte durée des modules à suivre ne doit cependant pas laisser penser que le temps de formation est réduit à zéro. Se former à distance prend du temps, même si ce temps n’est pas organisé de la même manière que lorsqu’on suit des sessions de formation en présentiel. Pour que le dispositif fonctionne, il faut s’assurer que les utilisateurs auront la disponibilité nécessaire pour y participer – sur leur temps de travail.
Cette liste de questions à se poser sur les apprenants n’est certainement pas exhaustive. L’important est de porter tout particulièrement attention aux caractéristiques du public qui sera concerné par le dispositif. L’e-learning est fragile, minutieux et nécessite une mise au point extrêmement précise. Sa réussite est conditionnée par une très bonne connaissance du profil des futurs utilisateurs.
Un commentaire
« L’E-LEARNING EST INDIVIDUEL » — Là, vous me faites un peu peur ! De nombreux dispositifs dynamisent l’apprentissage par groupes d’apprentissage sous la forme de « jeux » par exemple. L’E-learning est tout mais certainement pas individuel, il fait partie d’un processus d’apprentissage « multimodal ».