La métacognition est un terme un peu barbare qui désigne pourtant quelque chose que nous avons tous expérimenté (à défaut d’avoir croisé le terme) au moins une fois et qui cache bien des secrets. Composé de méta (sur, à propos en grec ancien) et cognitio (action de connaître en latin), ce mot désigne les processus de réflexion sur nos propres mécanismes mentaux. En d’autres termes, c’est penser à notre propre façon de penser.
Ce terme a été forgé par John H. Flavell dans les années 1960 alors que ce chercheur étudiait l’impact de la pédagogie active* sur les apprenants.
Exemple de métacognition
Nos processus mentaux se font le plus souvent de manière automatique. Prenons un exemple :
Lors d’une soirée chez vous, un des invités renverse son verre sur le sol et sur vous-même alors que vous avez passé une partie de la journée à faire le ménage. Vous vous laissez emporter par l’énervement. Votre ami, embêté, s’excuse et vous dit qu’il va tout nettoyer. Vous partez vous changer et vous vous dites que vous avez peut-être surréagi au vu de la situation.
Commence alors une réflexion sur votre comportement pour parvenir à comprendre ce qui vous a mené à une telle réaction. Vous vous rendez compte que vous n’avez sûrement pas assez dormi la nuit précédente, que vous n’avez pas arrêté de la journée, que les blagues de cet ami à votre égard vous ont touché plus que vous ne le pensiez, et que vous avez peut-être même rejoué une scène que vous aviez vue chez quelqu’un d’autre. Vous arrivez à la conclusion que vous n’avez pas pris le temps d’analyser la situation sur le moment : si votre ami a renversé son verre, c’est parce qu’il s’est fait percuter malencontreusement par un autre de vos proches ; d’autre part, étant chez vous, vous avez accès à des habits de rechange. Enfin, votre ami s’est tout de suite excusé.
Sans vous en rendre compte, vous venez d’user de métacognition.
Définition plus détaillée
Ainsi, la métacognition, comme mécanisme d’analyse des actions automatiques, peut concerner plusieurs domaines : la mémoire (“Pourquoi ai-je retenu cette information en particulier ?”), l’attention (“Pourquoi ai-je été plus attentif hier qu’aujourd’hui ?”), la compréhension (“Est-ce que je connais déjà quelque chose qui ressemble à ce concept ?”), la pensée (“Pourquoi est-ce que j’ai pensé à cela directement ?”), etc.
Ce processus de réflexion débute par l’observation de nos pensées qui peut être guidée par ces questions. Ensuite, les réponses analysées permettent de comprendre et de relier les différentes observations. Enfin, on peut terminer par une phase de conceptualisation si l’on souhaite seulement déterminer une cause de notre comportement, ou de régulation, si on veut changer quelque chose (Romainville, Noël et Wolfs, 1995 ; Leclercq et Poumay, 2004).
Dans le contexte d’une formation ou d’un cours, la métacognition aide à prendre conscience de son activité d’apprentissage, à l’adapter en fonction de son vécu, de la situation et de son état mental.
Prenons l’exemple d’un apprenant qui doit apprendre une leçon. Il va à la bibliothèque et se retrouve à une table où d’autres personnes chuchotent. Il ne comprend pas pourquoi il n’arrive pas à mémoriser aussi vite que d’habitude. En se questionnant, il se rend compte qu’il apprend mieux lorsqu’il lit et récite son cours en marchant. User de la métacognition va le pousser à rentrer chez lui pour apprendre de la manière la plus efficace.
La métacognition prend en compte ce que l’on sait sur soi-même, nos pensées automatiques et nos émotions. Une pensée automatique est cette petite phrase qui jaillit dans notre esprit face à une situation et qui est souvent la même lors de situations similaires. Si elle est suivie d’un dialogue (voire d’un débat) interne, on peut alors parler de métacognition.
C’est donc un processus mental d’un niveau supérieur qui nous demande de nous questionner sur notre propre fonctionnement. Toutefois, même si elle peut s’appliquer à de nombreux processus mentaux, nous allons dans cet article nous intéresser principalement à son rôle dans l’apprentissage. Il se trouve que, d’après Wang, Haertel et Walberg (1990), la métacognition joue un rôle plus important dans l’apprentissage que les processus cognitifs et affectifs généralement cités. En effet, l’impact des composantes telles que la mémoire, l’attention, la motivation et l’engagement dans l’apprentissage a été maintes fois étudié. Par manque de moyens objectifs d’évaluation de son effet sur l’apprentissage cependant, la métacognition n’a pas eu la reconnaissance qu’elle méritait.
La métacognition, si elle est bien un processus de pensée, est également une méthode pédagogique. Pour favoriser l’apprentissage, le formateur peut faire prendre conscience aux apprenants qu’ils sont justement “apprenants” et que cela suppose une activité spécifique d’apprentissage qui met en jeu leur mémoire, leur attention, etc.
Métacognition et apprentissage
Dans l’apprentissage, la métacognition peut aider à faciliter la résolution de problèmes et à acquérir de nouvelles compétences et connaissances. En rendant conscients les processus automatiques, nous appréhendons mieux les nouvelles expériences. Cette réflexion sur nos propres activités d’apprentissage permet de déceler celles qui nous sont les plus adaptées. Elle nous aide aussi à exploiter le transfert de connaissances entre différents domaines : il arrive souvent qu’un savoir dans un domaine particulier ressemble à un autre appartenant à un domaine différent. En ayant conscience de cela, nous réduirons le temps que nous passerons à acquérir les connaissances du second domaine (Romainville, Noël et Wolfs, 1995).
Particulièrement adaptées à l’apprentissage, des activités sur la métacognition peuvent être réalisées en classe ou en salle de formation pour permettre aux formés d’apprendre plus rapidement et plus facilement tout en développant leur autonomie.
Les activités métacognitives peuvent guider les formés dans leur démarche. Vous pouvez par exemple les amener à :
– identifier ce qu’ils savent déjà,
– organiser ce qu’ils ont appris,
– communiquer leurs connaissances, compétences et aptitudes,
– se fixer des objectifs et suivre leurs progrès,
– évaluer et réviser leur propre travail,
– identifier et mettre en œuvre des stratégies d’apprentissage efficaces,
– transférer l’apprentissage d’un contexte à un autre.
Comment utiliser la métacognition dans le cadre de la formation ? Nous vous donnerons quelques pistes dans les articles à venir !
* La pédagogie active est un ensemble de méthodes permettant d’apprendre par le biais d’activités. Son but est, entre autres, d’augmenter la motivation des apprenants.