Neuro-éducation et pédagogie : sommes-nous tous crédules ? (partie 1/3)

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Dans mon récent quotidien de doctorant en psychologie cognitive, je suis souvent interpellé par l’utilisation systématique du terme “neuro” : neuro-marketing, neuro-psychanalyse, neuro-sagesse et surtout neuro-éducation. Ces termes sont de plus en plus souvent utilisés, notamment dans des articles de vulgarisation.
 
Étant curieux d’un domaine m’étant inconnu, je me suis penché plus particulièrement sur la neuro-éducation. Je fus alors surpris de retrouver tous mes cours de psychologie sous l’appellation des neurosciences ! Me serais-je trompé de domaine depuis tout ce temps ? Étudiais-je des neurosciences sans le savoir ? Impossible ! Mais alors, pourquoi parler de neuro-éducation ? Ces questions en tête, je continuais alors mes recherches pour comprendre le rôle des neurosciences en éducation. Je fus agréablement surpris que ce ressentiment, était en réalité partagé par de nombreux scientifiques.
 
Un des chercheurs français portant cette critique de la neuro-éducation est Franck Ramus, directeur de recherche au CNRS. Dans son article « Neuro-éducation et neuro-psychanalyse : du neuro-enchantement aux neuro-foutaises » (2018), Franck Ramus propose une critique de la neuro-éducation dont je vous propose aujourd’hui un résumé. Si toutefois vous voulez en savoir plus, je vous recommande la lecture de son article et de la conférence qu’il réalisa sur le sujet dans le cadre de la semaine sur le cerveau.
 

Pour commencer, quid des neurosciences ?

 
On définit généralement les neurosciences comme l’étude du système nerveux tant du point de vue fonctionnel (activité) qu’anatomique (structure et organisation). On pense généralement à tort que les neurosciences existent depuis l’émergence des outils d’imagerie médicale de type IRM (Imagerie par Résonance Magnétique). En réalité, les neurosciences ont un historique plus lointain, que je ne développerai pas ici. L’idée est de comprendre que les neurosciences se situent à un niveau de description de l’activité cérébrale (John Bruer, 1997).
 

Et donc la neuro-éducation ?

 
On peut définir la neuro-éducation comme l’utilisation des résultats issus des neurosciences pour éclairer les pratiques éducatives (les neurosciences montrent que…). Lorsque l’on s’intéresse à l’apprentissage, on cherche par exemple à comprendre comment favoriser la mémorisation et capter l’attention de l’apprenant, la finalité étant de mettre en place le contexte le plus pertinent pour favoriser l’acquisition du contenu.
 
Les neurosciences ayant pour but de décrire l’activité cérébrale, ces résultats n’ont généralement pas ou peu d’intérêt pour éclairer les pratiques pédagogiques. Ces concepts (attention, mémoire et perception) sont issus principalement de la psychologie expérimentale et non des neurosciences. Les neurosciences ont surtout étudié les substrats neuronaux, c’est-à-dire l’existence physique de ces fonctions.
 
Cependant, lorsqu’on vous parle d’apprentissage, on vous présente généralement des résultats de psychologie sous l’adage des neurosciences. Cela a plusieurs conséquences : (1) Cela induit en erreur sur la provenance des résultats présentés, (2) cela ne rend pas hommage aux chercheurs de psychologie ayant travaillé sur ce sujet et (3) cela induit une vision erronée de ce qu’est la psychologie scientifique auprès du grand public.
 
 
Pour résumer : les théories en neuro-éducation présentées sous le titre de neurosciences proviennent la plupart du temps de la psychologie expérimentale. Mais pourquoi ? Nous répondrons à cette question, dans le prochain article.
 
 


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Youri Minne

  • Doctorant en psychologie cognitive

Apprendre des connaissances c’est bien. Mais les transmettre, c’est encore mieux ! Ayant toujours été passionné par l’apprentissage durant mon cursus de psychologie, j’ai la chance d’écrire des articles de vulgarisation sur des théories scientifiques. J’espère ainsi, au travers de mes articles, transmettre mes connaissances avec la même passion qui m’animait lors de la découverte de celles-ci.

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 2 commentaires


  • Aurore

    Article très intéressant ! Effectivement, c’est important de rendre à César ce qui appartient à César.

    Mais du coup, quid des psychogues qui utilisent eux-mêmes ce terme ?

    Je pense par exemple à Aurélie Van Dijk, Docteur en psychologie cognitive, qui a intitulé son livre “Réinventez vos formations avec les neurosciences”.

    C’est à y perdre la tête ^^ !

    Répondre

    • Youri Minne

      Bonjour Aurore, merci pour votre commentaire, je suis content que l’article vous ait plus.

      Ce terme est utilisé par tout le monde, chercheurs, journalistes etc… Il est donc difficile de faire la part des choses pour le lecteur.

      Concernant le livre d’Aurélie Van Dijk, je n’ai pas eu l’occasion de le lire donc je ne pourrais m’avancer sur le sujet. Mais en lisant le plan, on retrouve le schéma classique :

      1. Quelques informations sur le cerveau nous provenant des neurosciences (Neurones, lobes, hémisphères etc..)

      2. Les neuromythes (provient bien des neurosciences)

      3. Et le reste du plan est essentiellement basé sur de la psychologie. Difficile de comprendre en quoi les neurosciences réinventent la formation tant le contenu lié est basé sur des théories provenant de psychologie.

      L’on note tout de même quelques points provenant des neurosciences (lien entre émotion et apprentissage, les neurones miroirs…) et un point sur la neuro-éducation dénommé ” c’est intéressant mais prudence” qui apporte peut-être des nuances.

      Je ne souhaite cependant pas m’avancer plus sur le sujet, n’ayant pas lu le livre !

      Si vous le souhaitez, je vous conseille un excellent livre de psychologie cognitive sur l’éducation : “Quand le cerveau se cultive de Daniel Gaonac’h”

      Répondre

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