Encore un témoignage dans notre série « Les cours qui marchent » : les Sydologues se souviennent de professeurs qui les ont marqués – en bien ! – et essaient rétrospectivement de comprendre pourquoi. Cette fois-ci, c’est Aymeric qui évoque ses études supérieures et particulièrement un personnage truculent.
Un personnage lyonnais
Aujourd’hui nous allons évoquer un professeur plutôt connu pour qui a la chance d’habiter dans la plus belle ville de France, Lyon bien évidemment. Cette sommité de l’enseignement de la matière la plus noble qui soit, l’Histoire, est bien sûr Bruno Benoît.
Si vous faites une rapide recherche sur internet, vous aurez le privilège de voir une photo de lui revêtant une cravate texane. N’est-ce pas déjà un gage de qualité ?
Personnellement j’ai eu la chance de suivre ses cours plusieurs années et ce, dans différents établissements (École Préparatoire des Chartreux et Institut d’Études Politiques de Lyon). Et j’ai un souvenir très clair de notre premier échange.
Ce maudit accent
J’avais tout juste 18 ans, je venais d’arriver à Lyon en provenance des Monts du Lyonnais, avec dans mes bagages… mon accent. Et ce fut le sujet principal de notre premier échange dans le cadre du cours introductif qu’il donna à notre classe préparatoire.
Il m’interrogea, le sujet exact de sa question m’échappe mais dans ma réponse, un mot précis l’interpella : « peuple ». Pourquoi me direz-vous ? Pourquoi ce mot plus qu’un autre ? Petit indice, d’autres mots l’auraient fait réagir de la même manière « feuille », « meuble » ou encore « beugler ».
Eh oui, c’est bien mon accent made in Monts du Lyonnais qui le fit démarrer au quart de tour. Lui, le Lyonnais pure souche, spécialiste de l’histoire de cette cité et grand amoureux de la « ville aux deux collines ». Si cet accent fit rire la majorité de la classe, lui était particulièrement heureux de l’entendre, ce qui, à l’âge que j’avais, était plutôt décontenançant, ayant plus honte qu’autre chose de ce trait de mon identité.
Avançons un peu dans cette histoire. Cette première rencontre fut suivie de centaines d’autres. Ce personnage haut en couleur m’accompagna dans mes études jusqu’à ma quatrième année après mon bac, lors de mon master 1, au cours duquel je rédigeai un mémoire sur le rôle de la gendarmerie nationale durant l’occupation.
Qu’est-ce qui marchait avec moi ?
Mais pourquoi Bruno Benoît me marqua-t-il autant ?
La principale raison, c’est la passion, la passion avec laquelle il donnait ses cours. Il vivait l’Histoire, il l’incarnait. Réellement. Il n’hésitait pas à chevaucher un balai pour singer la statue de Louis XIV trônant sur la Place Bellecour à Lyon ou à nous abreuver d’anecdotes sur la vie sexuelle des rois de France, par exemple.
C’est grâce à cet entrain, cette énergie que ses élèves buvaient ses paroles. Il habillait les faits essentiels de l’Histoire de France de détails qui pourraient paraître futiles, mais qui jouaient un rôle crucial dans notre concentration et notre mémorisation. L’ensemble nous permettait de mieux retenir le contenu de ses cours, et servait ainsi l’apprentissage au final. Les petites histoires servaient la grande Histoire, en somme.
Je pourrais vous compter des dizaines, voire des centaines d’anecdotes, mais là n’est pas l’important. Si les cours de Bruno Benoît ont autant nourri ma fascination (déjà grande, grâce notamment à d’autres professeurs) pour l’Histoire, c’est grâce à une recette toute simple : passion, incarnation et énergie folle.
L’Histoire, c’est magnifique, surtout quand c’est enseigné de cette façon.
Voici les liens des autres articles de cette série :
– Les cours qui marchent #1 – Le biologiste artiste
– Les cours qui marchent #2 – L’économiste infiltré
– Les cours qui marchent #3 – La marge à droite
– Les cours qui marchent #4 – Le codeur allumé
– Les cours qui marchent #5 – L’Histoire incarnée
– Les cours qui marchent #6 – Païssagoreusse
– Les cours qui marchent #7 – Le prof pas comme les autres
– Les cours qui marchent #8 – Les outils détournés
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