MOOC : Révolution ou Supercherie ?

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Tout le monde en parle, tout le monde en veut : les MOOCs, ces cours en ligne ouverts et massifs, fleurissent sur Internet. Mais surtout, on range un peu tout et n’importe quoi sous le terme MOOC : certains y voient LA révolution pédagogique de la décennie, alors que d’autres y voient une énième supercherie politique pour avoir bonne presse. Lecteurs et lectrices de Sydologie, je vous propose de mettre un peu d’ordre dans tout ça.

L’idée de départ des MOOCs est simple et honorable : permettre un accès gratuit au savoir à tous, n’importe où, grâce à une simple connexion internet. On ne parle pas ici de savoir encyclopédique comme sur Wikipédia, mais bien de contenus scolaires, organisés sous forme de cours théoriques, exercices et évaluations.

Il faut  différencier 2 types de MOOCs :

  • Les cMOOCs, dont les apprenants créent les contenus et corrigent les évaluations. On retrouve une co-construction du savoir ouverte à tous, dans la philosophie la plus pure des MOOCs.
  • Les xMOOcs, qui ont pour but de valider par un diplôme ou un certificat les connaissances acquises. C’est le modèle suivi par des organismes spécialisés comme Coursera, ou des grandes écoles et des universités (le MIT ou Standford outre Atlantique, Polytechnique ou Centrale Lille en France).

Voilà donc ce qu’est concrètement un MOOC : un outil de diffusion de la connaissance, universel et massif. Il y a donc bien une révolution, celle de l’accès au savoir, mais malheureusement pas encore dans les méthodes pédagogiques utilisées. Bien souvent, les MOOCs  ne sont que des E-learning ouverts à tous : ils en reprennent le meilleur (vidéos de qualité, diversité des supports, etc.), mais aussi le pire (vidéos tristes à mourir, contenus textuels interminables, etc.).

Enfin tout ça, c’est la théorie. Sur le terrain, les choses sont un peu différentes…

Des budgets ingérables ?

Il est vrai qu’établir le business model des MOOCs est assez compliqué : comment construire des cours de qualité (et donc souvent chers à produire) et pouvoir les diffuser gratuitement ?

Deux solutions sont envisagées actuellement :

  • Rendre les cours (ou juste les diplômes attestant de la validation des évaluations) payants. C’est la stratégie adoptée par de plus en plus d’universités et de grandes écoles. On perd un peu le côté « ouvert à tous », vous ne trouvez pas ? Certaines structures appliquent des tarifs bas, leur permettant tout juste de ne pas perdre d’argent lors du lancement de leur MOOC, ce qui est assez compréhensible. D’autres structures sont, quant à elles, moins désintéressées :

–      « Les gars, y’a un nouveau truc à la mode, ça s’appelle les MOOCs, on devrait en faire un ! Ça nous ferait une super pub ! »

–      « OK, on fera payer le diplôme 12.000€. »

Bien sûr, le trait est grossi, mais vous avez compris l’idée. Je ne suis pas certain qu’on puisse encore parler de MOOC en tout cas.

  • Changer de cible. Sebastien Thrun, le père des MOOCs, conseille de quitter le monde universitaire et de proposer des MOOCs (toujours payants) à des entreprises pour de la formation professionnelle. Certains cours pourraient être utilisés dans de nombreuses entreprises différentes, mais il y a fort à parier que beaucoup de MOOCs seront adaptés à l’entreprise cliente, ne serait-ce qu’au niveau de la charte graphique. On perd donc les côtés ouverts et massifs, et on se retrouve avec un bon vieil E-learning, non ?

mooc

Au final, si on décide de financer un MOOC grâce à ces utilisateurs, je pense qu’on perd l’essence même de ce qu’est un MOOC. D’autres modèles économiques sont à l’étude, comme le couplage des plateformes de MOOCs et d’organismes de recrutement : les entreprises paieraient pour avoir accès aux meilleurs élèves du MOOC. Il y aurait peut-être aussi une solution ici, idée à creuser.

Un modèle pédagogique bancal ?

Autant mettre les choses à plat tout de suite : je suis un fervent défenseur de la formation présentielle. A mon avis, la transmission du savoir passe par une relation de confiance établie entre un formateur et un apprenant. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas mixer présentiel et distanciel : c’est le modèle de la classe inversée, où présentiel et distanciel apportent des contenus différents et complémentaires. Le distanciel peut aussi avoir d’autres intérêts : des piqûres de rappel pour des choses déjà vues ou l’apprentissage de petits concepts simples par exemple. Mais je suis assez sceptique quant à la possibilité d’apprendre un cours complet devant un ordinateur : toute la dimension « interaction » est malheureusement laissée de côté.

Selon Sebastien Thrun, les MOOCs seraient même un échec complet. Ils étaient initialement destinés aux élèves qui ne peuvent pas accéder à l’éducation supérieure car issus de milieux trop défavorisés. Mais les statistiques de participation (et la très mauvaise expérience de San Diego) ont montré que ce public n’arrivait pas à accrocher aux MOOCs. Les seuls vraiment intéressés seraient les étudiants de l’éducation supérieure qui veulent un complément d’informations sur un sujet précis.

Le raisonnement de Thrun est assez logique : les principaux mécanismes de l’apprentissage (motivation, attention et mémoire) sont mis à mal avec les formations distancielles (vidéos monotones, contenus rébarbatifs, manque de motivation des apprenants, etc.). Il faut donc être très motivé pour s’inscrire à un MOOC et le suivre jusqu’au bout. Or, il est très probable que des personnes issues de ces milieux défavorisés ne se sentent même pas concernés par les MOOCs. On pourrait débattre des heures sur les raisons de ce sentiment, mais ce n’est pas l’objet de cet article. Les MOOCs resteraient donc inutiles, sans un véritable accompagnement pédagogique… présentiel !

Le concept de MOOC est très intéressant, et même honnêtement beau. Qui ne rêverait pas d’un monde où tout le monde aurait accès à la connaissance et au savoir (oui, je prépare mon discours pour miss France) ? Malheureusement, j’ai bien peur que cela ne reste, pour l’instant, qu’une douce utopie.

Source : JHenwood


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 3 commentaires


  • Guillaume Maison

    Bonjour,

    Ce qui me perturbe systématiquement dans les analyses sur les MOOCs c’est qu’ils sont toujours opposés aux modèles d’écutation ou d’enseignement actuels.

    Jamais, jamais ils ne sont vus comme des moyens complémentaires – sauf peut être ici dans le fait que des étudiants viennent chercher du complément – ou supplémentaires à un système établi. Les MOOCs peuvent (remplacer) mais ne doivent pas (remplacer). Le téléphone mobile n’a pas remplacé le téléphone à la maison. Internet et facebook n’ont pas remplacé des soirées entre copains/copines.

    Enfin, les MOOCs sont nouveaux. C’est une idée émergente qui va évoluer dans les mois et années à venir (qui sera même je pense en constante évolution). Laissons l’évolution faire son choix. Laissons la bienveillance prendre le pas sur le radicalisme (de quelque bord qu’il soit). Je dirais même que ceux qui sont, comme vous, de fervents défenseurs du présentiels, aident à faire évoluer les MOOCs vers quelque chose qui serait plus jsute, pour vous.

    Cordialement,

    Répondre

  • JmarcFJ

    Bonjour,

    J’ai lu avec attention votre billet.

    1 – Dans un premier temps, vous expliquez qu’il existe deux types de Mooc. Or, à l’issue, vous résumez les Moocs à du E-learning.
    Ce à quoi je suis d’accord mais uniquement pour les X-Moocs, qu’en est-il pour les C-Moocs ?
    Sans compter que personnellement je trouve réducteur cette dichotomie entre les X et les C quand on sait que les taxonomies de Mooc en présentent entre 6 et 8. Quid des solutions hybrides pourtant très en vogue actuellement et qui ont démontré leur plus value sur le tout E-learning par exemple.

    2 – Vous abordez la question du retour sur investissement par le prisme des coûts.
    Ce à quoi, j’aurais tendance à répondre de manière lapidaire et épidermique. Avez-vous estimé le coût de l’ignorance ?
    Plus sérieusement, à quoi rime de comparer un enseignement supérieur financé par les impôts avec des solutions provenant majoritairement d’organes non étatiques même si certains sont à buts non lucratifs ?
    Quand l’on compte les frais de structure, les salaires des professeurs et autres personnels nécessaires au bon fonctionnement d’une université, que devient le coût des Moocs les plus connus médiatiquement en comparaison ?
    Une éducation gratuite ou payante telle est, me semble-t-il, la question posée par le business model, ni plus ni moins. Ce n’est pas un problème de gestion mais une question paradigmatique, non ?

    3 – « Les Moocs sont un produit pourri. Et même l’accronyme des Moocs est pourri » S.Thrun qui après avoir réfléchi, travaillé pour améliorer le fameux taux d’échec des solutions Mooc, assure ou croit désormais que leur avenir sera dans le monde professionnel.

    Dans l’entreprise, les questions sont différentes de celles des pédagogues. Pour le salarié qui est dans un système où l’évaluation est placée avant le travail (Cf les travaux de C.Dejours), peu importe sa motivation, son désir d’apprendre, et tout le verbatim pédagogique, le choix du salarié se résumer à se former par l’organisation ou par lui-même sinon il prend la porte pour non atteinte des objectifs.
    En cela, évidemment la structure tarifaire des Moocs devient alors un argument massue pour leur intronisation et leur développement au sein des services Formation des Entreprises. Mais quid de la qualité, du ROI, de la marque employeur et surtout des changements induits ?
    Prenons l’exemple d’un C-Mooc pour une entreprise, la question devient alors : Accepterez-vous la métamorphose de votre management pyramidal de type « Command & Control » en système organisationnel réticulaire ou holacratique ?

    Pour ma part, les Moocs n’ont pas pris en compte les raisons des échecs des solutions précédentes comme avec le tout E-learning qui portait déjà les mêmes promesses et n’assument pas encore ce en quoi ils présentent des bénéfices concurrentiels uniques par rapport aux autres solutions.

    JmarcFJ

    Répondre

  • Marc

    Intéressant.
    C’est normal qu’il y ait un peu de panique dans le monde de l’enseignement.  Les cours en lignes sont de plus en plus accessibles et répondants à un besoin.  A 160000 participants…c’est surement un signe d’intérêt et assurément massif.  Je pense que l’apprenant est plus intelligent que le système d’éducation…laissons-le décidé et choisir.

    Répondre

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