Comment lutter contre les neuromythes et améliorer les pratiques éducatives ?

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Neuromythes et pratiques éducatives

Depuis plusieurs décennies, les neurosciences cognitives connaissent un essor considérable, sous l’impulsion notamment du développement de nouvelles technologies comme l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM). Ces technologies ont révolutionné notre compréhension du cerveau en permettant de visualiser en temps réel les structures et les activités cérébrales.

Ces avancées ont suscité un espoir immense dans de nombreux domaines, en particulier en éducation (et quelques néologismes comme la neuro-éducation). On a commencé à penser que les découvertes sur le cerveau pourraient révolutionner les méthodes d’enseignement et améliorer significativement l’apprentissage. En 1989, le président américain George Bush a même proclamé les années 1990 “Décennie du Cerveau”, plaçant les neurosciences au cœur des priorités nationales et incitant de nombreux pays à suivre cet exemple.

Malheureusement, cet essor s’est vite transformé en une véritable obsession pour certains, parfois qualifiée de “neuromania”. Ce terme reflète l’engouement excessif pour tout ce qui est associé au cerveau et à son fonctionnement. Cette obsession s’est ainsi accompagnée de dérives : les résultats des recherches neuroscientifiques ont parfois été mal compris ou interprétés de manière simpliste (volontairement ou non), conduisant à la diffusion de neuromythes.

En 2002, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) a formellement défini les neuromythes comme des concepts erronés découlant d’une mauvaise compréhension, lecture ou citation de faits scientifiquement établis par la recherche sur le cerveau. Ces neuromythes ont trouvé un écho favorable non seulement parmi le grand public, mais aussi dans les milieux éducatifs et professionnels. Ces neuromythes simplifient à tort des concepts complexes, peuvent sembler pratiques mais sont trompeurs et s’avèrent avoir des effets négatifs sur les pratiques pédagogiques.

Aujourd’hui, nous allons nous intéresser à une étude publiée il y a quelques mois : “Comment passer de la diffusion des neuromythes à l’adoption de pratiques fondées sur des données probantes en éducation ?”. Pour rédiger cet article, j’ai eu la chance de m’entretenir avec une des autrices de l’article, Marina Tual, chercheuse en psychologie cognitive et spécialiste notamment de l’implémentation active, soit le processus consistant à transformer les théories ou les recherches en actions concrètes et efficaces – nous verrons plus tard dans l’article en quoi cette spécialité n’est pas anodine.

Objectifs de l’étude sur les neuromythes

Au travers de cette étude, Marina Tual et ses collègues Geoffrey Blondelle, Clément Bailleul, Anna Schmitt et Mathieu Hainselin visent à :

Synthétiser les résultats internationaux sur les neuromythes en français, notamment pour pallier le manque de littérature francophone sur le sujet.

Identifier les facteurs de création, de diffusion et de maintien des neuromythes afin de comprendre pourquoi et comment ces croyances perdurent.

Proposer des solutions concrètes pour aider les professionnels de l’éducation à adopter des pratiques basées sur des données probantes (et non plus sur les neuromythes, comme certains semblent le faire) et ainsi lutter contre l’utilisation des neuromythes et leur perpétuation.

Méthodologie de l’étude sur les neuromythes

Pour réaliser cette synthèse, les auteurs se sont notamment basés sur plusieurs revues de la littérature récentes, incluant des études publiées entre 2021 et 2023. Pour cela, ils ont utilisé des mots clés tels que « enseignants », « futurs enseignants » et « neuromythes » afin d’identifier les articles pertinents dans diverses bases de données.

Les enseignants, une catégorie perméable aux neuromythes ?

Les études montrent que les neuromythes sont largement répandus parmi les enseignants (comme un premier article de Sydologie ciblant le Luxembourg l’avait démontré), qu’ils soient en formation ou déjà en poste. Parmi ceux-ci, le neuromythe le plus prévalent est celui des styles d’apprentissage, qui stipule que les élèves apprennent mieux lorsqu’on leur présente l’information selon leur modalité préférée (visuelle, auditive, kinesthésique, etc.).

Cependant, il existe d’autres croyances erronées courantes : nous n’utiliserions que 10% de notre cerveau, ou encore des exercices de coordination pourraient améliorer la communication entre les hémisphères cérébraux.

Les acteurs de diffusion des neuromythes

Les principaux vecteurs de formation et de diffusion des neuromythes sont :

Les biais cognitifs, et notamment le biais de confirmation, soit notre tendance à privilégier les informations qui confirment nos croyances.

Une mauvaise compréhension par le public, du fait notamment d’une barrière linguistique et conceptuelle entre la terminologie neuroscientifique et son interprétation par les non-spécialistes.

L’extrapolation et le détournement de connaissances, dûs à l’utilisation abusive ou simpliste de concepts neuroscientifiques pour justifier des pratiques non fondées.

Les médias (notamment réputés comme “sérieux”) et les réseaux sociaux, qui propagent des informations erronées à large échelle.

La commercialisation des neurosciences, via des produits “éducatifs” basés sur des neuromythes.

La recherche de solutions rapides, due à un réflexe humain qui attend naturellement des solutions simples et immédiates pour des problèmes complexes.

Les solutions proposées

Comment lutter contre la diffusion et le maintien des neuromythes, notamment dans le domaine éducatif et chez les professeurs ?

Plusieurs pistes sont explorées dans l’étude (pistes qui ne sont pas exclusives mais complémentaires).

La réfutation explicite : présenter les neuromythes puis les réfuter avec des explications claires et des preuves visuelles (par exemple, des images IRM).

L’apport de connaissances scientifiques : diffuser des connaissances validées sur le cerveau, en veillant à la qualité des sources d’information.

La vulgarisation scientifique par les chercheurs : encourager les scientifiques à communiquer directement leurs recherches via des outils pédagogiques, des blogs, des sites internet et des conférences.

La formation interdisciplinaire : promouvoir la collaboration entre neuroscientifiques, éducateurs et autres professionnels pour concevoir des pratiques pédagogiques fondées sur des données probantes.

Conclusion

Pour réduire l’adhésion aux neuromythes et améliorer les pratiques pédagogiques, il est crucial de renforcer la formation en neurosciences et d’encourager la diffusion de connaissances scientifiques rigoureuses. La collaboration interdisciplinaire (neuroscientifiques/professeurs) et les efforts de vulgarisation par les chercheurs sont également essentiels.

En effet, diffuser des connaissances ne suffit pas : il faut une implémentation active pour que les pratiques éducatives évoluent réellement. Les recherches futures devraient notamment se concentrer sur l’évaluation de l’impact de ces initiatives sur les pratiques éducatives.

En conclusion, pour que la recherche en neurosciences impacte positivement les pratiques éducatives, une stratégie d’implémentation active est nécessaire, combinant formation, collaboration interdisciplinaire et vulgarisation scientifique.

Vous pouvez retrouver l’étude ici : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0033298424000207


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Aymeric Debrun

  • Diplômé de Sciences Po Lyon – Master Coopération internationale et aide au développement

Découvrir un domaine inconnu, une nouvelle idée, une information ignorée. Se mettre à lire, étudier, analyser, comprendre. Puis approfondir, creuser, se passionner. Et enfin intriguer, intéresser, expliquer, transmettre. Et recommencer.

Un chemin maintes et maintes fois parcouru aussi bien dans ma vie personnelle qu’étudiante. Chez Sydo, j’ai trouvé un travail pour continuer à l’arpenter et faire de ce chemin… un schéma pédagogique.

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 2 commentaires


  • Eric de Rochefort

    Merci Aymeric pour cet article.
    J’ai deux questions à sa lecture:
    1) Avec-vous lu cet article avant ou après avoir rencontré l’une des autrices de l’article, Marina Tual?
    2) Vous indiquez au bas de votre article “Vous pouvez retrouver l’étude ici : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0033298424000207” or ce lien ne mène pas à l’article mais à une page qui en donne un résumé et qui propose d’acheter l’article.
    Merci par avance de vos réponses.
    Cordialement
    Eric de Rochefort

    Répondre

    • Aymeric Debrun

      Bonjour,

      Merci pour votre commentaire :
      1) J’ai rencontré l’autrice après avoir lu son article
      2) L’article était gratuit pendant un certain temps, il semble ne plus l’être, je suis désolé.

      Excellente journée.

      Répondre

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