Chaque lundi, nous vous proposons de voyager dans l’Histoire de la pédagogie, à travers les portraits des plus grand.e.s pédagogues et théoricien.e.s qui ont influencé nos modèles contemporains.
Après une terrible semaine d’attente, vous allez afin pouvoir lire la seconde partie de cette article dédiée à Ivan Illich. A vos lunettes !
Et Ivan Illich, quelles sont ses propositions pour changer la pédagogie ?
Ivan Illich propose de renouer avec les capacités naturelles d’apprentissage de chacun, qui continuent de se manifester en dehors de l’école. Pour lui, l’école dénature cet aspect de l’Homme (aspect fortement traité par Jean-Jacques Rousseau et Pierre Bourdieu notamment). L’apprentissage est un processus naturel : pourquoi mettre en place une structure contraignante et aliénante ? Ce n’est pas au sein du système scolaire que l’enfant apprend à parler, jouer, à socialiser, à faire du vélo, etc.
L’enseignement à l’école est trop théorique, bien que l’expertise se développe via la pratique. Par ailleurs, certaines connaissances, les “savoir comment”, ne peuvent se passer de la pratique (à la différence des “savoir que”). A–t-on besoin de connaître le nom de chaque pièce composant un vélo pour apprendre à faire du vélo, ou doit-on pratiquer ?
Pour bon nombre de connaissances, l’école ne semble pas pertinente (et bon nombre de choses enseignées ne servent que peu plus tard, mais c’est un autre débat). Ainsi, aux yeux d’Illich, l’apprentissage, soit l’alternance entre enseignement théorique et formation au métier chez l’employeur, est un bon modèle.
Mais peut-on – et faut-il ! – chercher à “apprendre aux autres” (dans le sens instruire les autres, partager ses connaissances) ? Oui, oui et oui. Et c’est d’ailleurs une partie de la critique d’Illich : l’école telle qu’elle est conçue, du fait de son monopole, tend à détruire le droit fondamental à transmettre, elle exproprie chaque individu du droit d’apprendre à quelqu’un ce que l’on sait. Elle tend à annihiler l’éducation par les pairs. Pour Illich, apprendre fonctionne toujours dans les deux sens : apprendre et instruire.
Illich appelle de ses vœux la création, en substitution aux écoles, de “réseaux de communication culturelle” où règnerait l’enseignement mutuel, à égalité, sans considération d’âge ou de statut. Dans son avant-gardisme, Illich semble anticiper l’avènement d’internet et son utilisation pour partager des savoirs. D’ailleurs, il évoque déjà le rôle central que pourraient jouer les ordinateurs qui permettraient de connecter demandeurs et pourvoyeurs de savoirs, formant un gigantesque réseau d’enseignement par les pairs.
Alors, Illich, précurseur de l’autoformation en ligne via un réseau réticulaire et de l’avènement (fugace) des Moocs ? Peut-être, mais des effets pervers se cachent derrière cette nouvelle tendance de fond : citons notamment la création de rapports nouveaux où les “sachants”, les “experts”, sont systématiquement remis en question par tout un chacun (à l’image par exemple des médecins, questionnés quant à leurs diagnostics par leurs patients ou par les citoyens lambdas qui ont lu trois articles parlant vaguement de médecine).
Tout le monde croit savoir, bien que la caractéristique même d’un sachant soit de douter de ses savoirs. Aristote en son temps ne disait-il pas déjà “L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit” ?
Eh sinon, vous avez entendu parler de l’effet Dunning Kurger ? Vous avez vu Don’t look up ? Il se fait tard, suite au prochain épisode.
Quelques ouvrages d’Ivan Illich à consulter :
– Libérer l’avenir
– Une société sans école
autonomie, école, enseignement, formation, pédagogie, Pédagogue