Entre Pédagogie et Andragogie : quelles différences ?

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Allez, aujourd’hui nous repartons à l’école. Asseyez-vous je vous en prie, prenez des notes, je ne répéterai pas. Vous serez noté à la fin du cours sur ce que vous aurez retenu et, si vous n’avez pas la moyenne, vous devrez alors redoubler. Je vais vous enseigner la théorie de l’apprentissage multimédia, je serai plutôt éloigné de la réalité, pas ou peu d’exemples, pas de cas pratique et pas d’insertion dans votre vie professionnelle.
 
Vous l’aurez compris, je parle ici de l’école, et notamment des principes de la pédagogie initiaux qui – d’après ses détracteurs – régissent encore l’ensemble de notre système éducatif français. On oppose souvent à ce type de pédagogie, l’andragogie, une méthode plus spécifique et plus pertinente pour un public adulte. Je vous propose donc dans cette série d’articles, de revenir sur les principes de l’andragogie, et ses implications dans la formation, tout en cherchant à vérifier la légitimité scientifique de cette théorie.
 

Pour commencer, quid de la pédagogie ?

 
Pédagogie renvoie à paidos (enfant) et gogia (mener ou conduire) et peut se définir comme l’enseignement et l’éducation des enfants. Le terme pédagogie a aujourd’hui pris un sens plus général, comme l’ensemble des méthodes d’enseignement et d’éducation. On peut situer les débuts de la pédagogie au XIIème siècle par l’éducation organisée dans les écoles monastiques. Bien que la pédagogie ait évolué avec différentes écoles de pensée, les principes initiaux restent majoritaires dans la conception du système scolaire français. Revenons brièvement sur ces principes.
 
 L’apprenant ne connaît pas ses propres besoins en apprentissage.
 
L’élève n’est pas en mesure d’identifier quels contenus apprendre et comment l’apprendre. C’est donc le rôle de l’enseignant de lui fournir les objectifs d’apprentissage et les méthodes qu’il doit employer. L’apprenant dépend de l’enseignant qui détermine à la fois ce que l’enfant doit apprendre, quand l’apprendre et comment l’apprendre.
 
 L’apprentissage doit être centré sur le sujet.
 
Le contenu de l’apprentissage doit être centré sur une thématique et non sur un cas pratique par exemple, la géographie, les mathématiques ou l’histoire.
 
 La forme motrice de l’apprentissage : la motivation extrinsèque.
 
Les élèves ne vont pas apprendre par simple plaisir. Il faut alors trouver des contraintes externes à la tâche d’apprentissage afin de motiver l’apprenant. Il s’agit donc bien entendu de notes afin de récompenser, ou punir l’élève (rayez la mention inutile en fonction de votre parcours scolaire). Évidemment les notes présentent un intérêt pédagogique indéniable permettant de suivre l’évolution de l’élève au fil du temps, et je vous conseille d’ailleurs le livre Pédagogie 3.0 de Stéphane Côté, qui propose une méthode de notation plutôt intéressante. Mais les recherches psychologiques sur le sujet doutent tout de même de l’intérêt de la notation comme force motrice de l’apprentissage.
 
 Le concept de l’ardoise vierge.
 
Tu ne sais rien Jon Snow ! (oui j’ai du retard sur les références..). L’idée ici est que l’apprenant ne connaît rien, n’a que très peu de connaissances et d’expérience. De ce fait l’enseignant n’a pas à prendre en compte l’expérience de l’élève, son passé pour construire son cours. Bien qu’effectivement on puisse accepter qu’un adulte aura une expérience plus complète, il a été montré que l’enfant est capable de tirer de son expérience quotidienne bien plus qu’un adulte.
 
Pour conclure sur ces principes, l’on peut tirer de cette approche cette toute-puissance de l’enseignant : on parle d’ailleurs d’une approche centrée « enseignant ».
 
L’andragogie propose alors de passer d’une approche pédagogique centrée «enseignant » à une approche andragogique centrée « apprenant ».
 

Bon et l’andragogie ?

 
A contrario andragogie renvoie à andros (homme) et gogia (mener ou conduire), l’art et la science d’enseigner aux hommes. Déjà, si l’on s’attarde sur l’étymologie de ce terme, andros renvoie à l’homme au sens masculin et non à l’Homme (espèce humaine), nous rappelant les inégalités historiques en matière d’éducation. Les chercheurs étudiant cette théorie proposent d’ailleurs d’utiliser le terme d’anthropogogie qui concerne l’ensemble du genre humain (anthropos). Seul le terme change car je parle bien ici de théories désignées sous la dénomination andragogie.
 
Je vous propose donc de modifier notre titre : Entre pédagogie et anthropogogie, quelles différences ?
 
Les prémisses de l’anthropogogie proviennent de formateurs comme Alexander Kapp (1833) repris par Lindeman (1926) et Knowles (1959). Ils désignèrent un ensemble de principes à respecter concernant l’enseignement des adultes. Ce ne sont pas des théories validées scientifiquement, même si elles trouvent une certaine légitimité dans des théories validées empiriquement.
 
L’anthropogogie se veut une alternative à la pédagogie pour un public d’adulte. Je trouve personnellement qu’elle est plus intéressante en tant que critique du modèle pédagogique actuel (mis en place dans notre système scolaire) plutôt qu’en tant que réelle alternative.
 
Mais vous vous ferez votre propre avis dans la suite de cette série. Je vous propose donc dans de futurs articles, d’expliciter ses principes, d’en voir les limites, les intérêts, leurs possibles implications dans la formation et leur validité scientifique. A bientôt !
 
 
 


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Youri Minne

  • Doctorant en psychologie cognitive

Apprendre des connaissances c’est bien. Mais les transmettre, c’est encore mieux ! Ayant toujours été passionné par l’apprentissage durant mon cursus de psychologie, j’ai la chance d’écrire des articles de vulgarisation sur des théories scientifiques. J’espère ainsi, au travers de mes articles, transmettre mes connaissances avec la même passion qui m’animait lors de la découverte de celles-ci.

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 7 commentaires


  • Aguida

    Attendre la suite avec patience

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  • Romuald Benoit

    Intéressé par le propos, je me demandais quand même où sont passé Montessori, Freinet ou Piaget?

    Leur expérience aurait permis bien des déboires à nombre d’élèves adultes ,enfants, femmes.

    L’éducation nationale a bien fait en sorte d’éluder la question des méthodes dites actives.

    Alors l’andropopogogogie, si xe n’est pas intéressant économiquement parlant, je n’imagine même pas.

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  • Moussebois

    ET bien je ne voius absolument pas cela sous cet angle. Donc impatient de vous lire. Je n’oppose pas la pédagogie à l’andragogie. En pédagogie, il y a des « courants » qui centrent sur l’apprenant. Freiney, Montessori, Decroly.
    L’andragogie est avec ces 4 piliers une vision centré sur l’apprenant adulte avec des spécificités. EN lien avec sa vie professionnelle par exemple. Je pense plus à vulgariser et à permettre à des « nouveaux » formateurs à être attentif à ne pas reproduire ce qu’ils ont vu durant des années d’études. Un prof qui vomit ses connaissances à des oies qui en sont gavées. Dans votre présentation, je devine que vous voyez l’andragogie comme un autre courant de la pédagogie. Enfin c’est ma compréhension évidemment 😉 Bref impatient de découvrir vos articles.

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  • Moussebois

    Sorry pour l’ortho 😱

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  • Hervieu

    Cela résume bien l’opposition entre l’ancienne école de pensée et la nouvelle, heureusement suivie en formation professionnelle continue. On peut, en effet, regretter que le même mouvement ne se ressente pas dans le domaine de la pédagogie en formation initiale.
    Je suis impatient de lire la suite.

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  • defay

    pour ma part, je ne pense pas qu’il faille opposer les 2 méthodes mais prendre tout ce qui a de bon dans chacune d’entre elles et les faire comme chacun le ressent.

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