Philippe Meirieu est à la fois professeur, chercheur, écrivain et spécialiste des sciences de l’éducation et de la pédagogie.
Dans son dernier livre, paru en 2013 chez ESF Editeur, Pédagogie : des lieux communs aux concepts clés, il cherche à expliciter les « lieux communs » qui fleurissent au sein de la rhétorique pédagogique. Sa démarche ne consiste pas à discréditer ces termes, mais simplement à les expliquer. Cela, pour tenter de dissiper les malentendus qui règnent à leur sujet, mais aussi et surtout pour leur redonner du sens.
Je propose de vous présenter ces concepts clés dans une série d’articles qui, je l’espère, vous éclaireront et vous donneront envie de vous plonger dans ce livre, très utile pour tous les passionnés de pédagogie.
Aujourd’hui, je vais m’intéresser au lieu commun selon lequel on apprend mieux quand on est actif.
Un peu d’histoire : la méthode active
En 1888, le philosophe Henri Marion, qui occupe à l’époque la 1ère chaire de science de l’éducation à la Sorbonne, a prononcé dans un discours : « Il n’y a qu’une méthode pédagogique digne de ce nom, c’est la méthode active ».
Il invitait ainsi les enseignants à organiser leur classe autrement en alternant des moments de découverte où les élèves peuvent faire, refaire, tâtonner… et des moments plus formels où l’on fait la synthèse des connaissances acquises.
En bref : adieux les explications magistrales ennuyeuses où les élèves sont passifs et bonjour à la classe vue comme un « espace de travail » où les élèves sont en action !
Si ce point de vue paraît, encore de nos jours, logique et évident, certains n’ont vu en la méthode active qu’une simple incitation à faire des exercices d’application après des leçons.
Encore un peu d’histoire : l’école active
Opposés à la vision tripartite « Entendre, Comprendre, Appliquer », certains ont mené un projet éducatif alternatif nommé « l’école active » qui s’oppose à l’école traditionnelle jugée trop contraignante.
Dans ces écoles, on proposait aux élèves d’apprendre autrement en pratiquant différentes activités sportives et artistiques, des travaux manuels, des sorties sur le terrain, etc. Tous les enseignements se basaient sur des choses concrètes et tous les savoirs devaient émerger d’activités quotidiennes.
Mais, selon Philippe Meirieu, en plaçant l’acquisition de tout savoir dans le prolongement d’une activité productive, on se focalise plus sur la réussite de l’activité que sur les apprentissages à acquérir pour la mener à bien.
Ainsi, si on n’y fait pas attention, « l’école active » risque de devenir « l’école de l’activité productrice » où les élèves sont cantonnés à faire ce qu’ils savent faire pour ne pas compromettre la réussite de l’activité et où, pour gagner du temps, on ne cherche pas à leur faire acquérir de nouveaux savoirs. En bref, une école qui marginalise ceux qui ont besoin d’apprendre.
Faire agir pour faire apprendre, oui mais comment ?
Ainsi, on s’aperçoit que rendre l’élève actif dans ses apprentissages ne doit pas se réduire à de simples exercices d’application ou à des travaux manuels.
Philippe Meirieu rappelle qu’en matière d’apprentissage, ce n’est pas le résultat qui doit être évalué (par exemple, la construction d’une maquette), mais ce sont les acquisitions et la progression de chacun, c’est-à-dire ce que chacun a appris à faire en construisant cette maquette.
Il rappelle également que l’objectif de l’école est de transmettre des connaissances exhaustives pour permettre leur découverte et leur appropriation par tous.
Pour cela, les enseignants doivent mettre en place des situations d’apprentissage individuelles ou collectives qui répondent à plusieurs critères :
- Elles doivent être suffisamment difficiles pour amener les élèves à progresser et suffisamment accessibles pour ne pas les décourager.
- Les élèves doivent avoir à leur disposition des consignes claires et des matériaux adéquats (documents…) qu’ils vont pouvoir manipuler, étudier, classer, organiser… en fonction des consignes données.
- Enfin, des moments de formalisation des acquis doivent avoir lieu et les élèves doivent y participer activement.
- C’est à ce prix que les élèves pourront réfléchir, construire leurs savoirs et ainsi acquérir et maîtriser des connaissances pour, par la suite, les réinvestir.
Ainsi, rendre les élèves actifs dans leurs apprentissages, ce n’est pas seulement leur faire « faire » des activités, c’est aussi et surtout leur faire exercer une activité mentale pour les faire progresser intellectuellement. Les enseignants doivent donc susciter et soutenir le travail mental de leurs élèves en mettant en place des situations d’apprentissage qui le stimulent.
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