Un des principes de l’anthropogogie telle que développée par Knowles (1973) est le principe du Need to know, en français, le besoin de savoir. « Les adultes doivent savoir pourquoi ils doivent apprendre quelque chose avant d’entreprendre de l’apprendre » (Traduction tirée de Knowles et al., 2005, p.64).
En d’autres termes, les adultes ont besoin de connaitre l’utilité et la valeur du matériel d’apprentissage avant de s’en saisir. Tough en 1979 (oui ça date un peu) a montré que les adultes investissaient une énergie considérable afin d’évaluer les avantages et les bénéfices qu’ils retireraient d’apprendre un contenu. Ils consacrent également de l’énergie à évaluer les inconvénients de ne pas apprendre un sujet donné. L’adulte a besoin qu’on lui dise ou, mieux encore, d’être amené à découvrir pourquoi certaines connaissances valent la peine d’être acquises.
À cet égard, le rôle du formateur, non pas en tant qu’enseignant, mais en tant que facilitateur d’apprentissage, est d’expliquer le but de la tâche et le résultat d’apprentissage attendu avant de débuter la formation. Les formateurs peuvent alors choisir d’expliquer ou de fournir un aperçu des attentes d’apprentissage avant le début de formation et également un résumé des compétences et connaissances acquises à l’issue de la formation.
Qu’en dit la science ?
Je souhaite d’abord insister sur le manque de données empiriques de cette théorie. Certes l’on peut comme je chercherai à le faire, rattacher les principes de l’andragogie à des théories de psychologie existantes. Mais sur l’étude expérimentale de ces principes, très peu de données sont fournies (Clardy, A. 2005). Je reviendrai en conclusion de cette série sur une critique de l’anthropogogie en appuyant notamment sur ce point.
Pour évoquer ce premier principe, le Need to know comme source de motivation, quoi de mieux qu’une théorie sur la motivation ? Alors parlons auto-détermination, une théorie déjà évoquée sur Sydologie.
Pour rappel, d’après cette théorie, il existe trois types d’états motivationnels : la motivation intrinsèque, la motivation extrinsèque et l’amotivation.
– La motivation intrinsèque correspond à la motivation la plus pertinente, et décrit le fait de réaliser une activité pour le plaisir qui en résulte.
– La motivation extrinsèque correspond au fait de réaliser une activité du fait de contraintes et incitations externes à l’activité en elle-même.
– Et l’amotivation est utilisée pour parler d’un individu agissant soit sans intention (c’est-à-dire par accident), soit avec à peine assez d’intention pour accomplir une tâche. Cette amotivation, décrite par Deci et Ryan (1985) peut être surmontée via deux méthodes. Premièrement, en décrivant à l’individu le lien qui existe entre l’action à réaliser et les résultats souhaités. Et, deuxièmement, en clarifiant la capacité du sujet à effectivement accomplir la tâche.
Dans l’apprentissage, donc, un apprenant motivé est un apprenant à qui on a explicité le lien entre objectifs, résultats escomptés et capacité à réaliser l’apprentissage.
Pour conclure, ne pas savoir pourquoi apprendre quelque chose est important est associée à un état de motivation faible ou inexistant. D’après ce principe : la première tâche du formateur est donc d’aider l’apprenant à prendre conscience de la nécessité de savoir.
Et les enfants ? Ils s’en fichent ? Certes, la valeur d’un contenu, c’est-à-dire son utilité, n’est potentiellement pas la même entre un adulte et un enfant, mais d’après certaines théories, l’enfant a également besoin d’avoir cerné l’utilité de l’apprentissage.
Viau (1994), un chercheur travaillant sur la motivation dans le cadre scolaire, a notamment construit un modèle d’approche socio-cognitive permettant d’expliquer la motivation de l’élève dans une activité d’apprentissage. Il définit la motivation comme « un phénomène dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer ». Cette motivation dépend de trois facteurs :
– La perception de la valeur que l’élève accorde à l’activité
– La perception de sa compétence, sa capacité à effectivement accomplir cette activité
– Sa perception du degré de contrôle que l’élève a sur le processus d’apprentissage et sur les résultats.
Selon ce modèle, un élève qui ne voit aucun intérêt ou aucune utilité aux activités qu’il doit accomplir est généralement démotivé. Ainsi, si un élève ne voit pas l’intérêt ou l’utilité de lire, d’écrire ou de s’exprimer oralement, il y a de fortes chances qu’il ne s’engage pas dans ces activités sous prétexte qu’elles ne lui apportent rien. D’après cette théorie donc, le besoin de savoir n’est pas un point singulier de l’adulte mais est également crucial pour la motivation de l’enfant.
Bref, nous l’avons vu, le besoin de savoir, de percevoir l’utilité d’un matériel avant de l’acquérir semble être soutenu par les différentes théories motivationnelles. L’adulte a besoin de connaitre l’utilité du matériel. Mais c’est aussi valable pour l’enfant ! Le rôle du formateur comme de l’enseignant, est donc de réussir à « vendre » le contenu à l’apprenant afin qu’il s’engage effectivement dans la réalisation de la tâche. Une nouvelle casquette du formateur : le commercial ?