
La démocratisation du savoir connaît une révolution sans précédent. Hier, on vous parlait d’apprentissage avec la musique. Aujourd’hui, on va voir qu’on peut apprendre avec les réseaux sociaux. Cette transformation est réelle ! Elle ne se limite pas à un simple changement de support : elle représente une véritable mutation dans notre rapport à l’apprentissage.
L’éducation informelle, autrefois cantonnée à de très rares programmes télévisés, trouve aujourd’hui sa place dans nos fils d’actualité quotidiens, transformant chaque minute de scroll en opportunité d’apprentissage.
C’est pas Sorcier avait ouvert la voie à une nouvelle approche de la transmission du savoir, mêlant rigueur scientifique et accessibilité. Cette émission était précurseur dans sa façon de rendre la science accessible et divertissante. Aujourd’hui, des créateurs comme Manon Bril, Dr Nozman, Linguisticae ou encore Nota Bene perpétuent cet héritage en l’adaptant aux codes des plateformes modernes, créant un pont entre la volonté de vulgarisation et les nouveaux médias.
Du divertissement à la connaissance : apprendre avec les réseaux sociaux
À l’heure où semble régner sur YouTube l’ère du « feat and fun », on pourrait aussi parler d’ère du « Knowledge and Fun ». Cette approche brise les barrières psychologiques traditionnellement associées à l’apprentissage.
Les créateurs de contenu deviennent alors des passeurs de savoir utilisant l’humour, les effets visuels et la narration pour transmettre des connaissances sans que l’apprenant ne ressente l’effort d’apprentissage. On peut associer à ce phénomène les créateurs de contenus qui proposent des vidéos pour apprendre à dessiner, cuisiner, développer, linograver, nettoyer, astiquer (casa toujours pimpant).
L’une des forces majeures de ces nouveaux formats réside dans leur capacité à transmettre du savoir de manière presque invisible. Sur TikTok, Instagram ou Snapchat, l’apprentissage se fait en mode furtif, dissimulé derrière le divertissement. Le « Ghost Mode » de l’apprentissage est activé.
Des contenus pédagogiques… mais sans garantie de fiabilité
Néanmoins, certains facteurs peuvent être source de problème et de désinformation. Deux points doivent attirer notre regard : la véracité des sources et le rôle des plateformes et de leurs algorithmes.
Dans cet environnement décentralisé, la validation des sources devient un enjeu majeur. La viralité d’une information ne garantit pas sa véracité, et la rapidité de diffusion des contenus peut amplifier la propagation de fausses informations. Des initiatives émergent pour promouvoir la vérification des sources et l’éducation aux médias, tandis queles créateurs de contenus développent des pratiques de transparence, citant leurs sources et encourageant l’esprit critique.
De même, les systèmes de recommandation des plateformes sociales jouent un rôle crucial dans notre parcours d’apprentissage informel. En suggérant des contenus similaires ou complémentaires, ils peuvent créer des parcours d’apprentissage personnalisés et cohérents. Cependant, ils peuvent aussi enfermer l’utilisateur dans une bulle informationnelle, limitant son exposition à des perspectives diverses. La conscience de ces mécanismes devient essentielle pour un apprentissage équilibré.
L’école face au défi d’apprendre avec les réseaux sociaux
Dans cette perspective d’esprit critique et d’éducation aux nouveaux médias, l’apport de l’école est primordial. L’intégration de ces nouveaux modes d’apprentissage dans l’éducation formelle représente à la fois un défi, une opportunité… et un risque.
Des enseignants innovants utilisent déjà les réseaux sociaux comme outils pédagogiques, créant des ponts entre l’apprentissage formel et informel. Cette hybridation peut enrichir l’expérience éducative, en combinant la rigueur de l’enseignement traditionnel avec l’engagement et l’accessibilité des nouveaux médias. On aurait, né de cette hybridation, le meilleur des deux mondes.
BookTok : la lecture réinventée par les réseaux
Un des exemples les plus parlants est le phénomène BookTok. Il illustre parfaitement cette nouvelle dynamique d’apprentissage. Sur TikTok, une communauté grandissante de passionnés de lecture partage ses coups de cœur littéraires, ses analyses et ses recommandations.
Ce mouvement a eu un impact significatif sur l’industrie du livre, propulsant des ouvrages parfois oubliés au rang de best-sellers et créant une nouvelle génération de lecteurs passionnés. Des professeurs s’en sont saisis, afin de raccrocher des wagons entiers d’adolescents rétifs à l’idée de lire Le Grand Meaulnes, mais impatients d’évoquer en classe (et en interro) Normal People, l’un des étendards de la communauté BookTok.
Les libraires aussi s’en sont emparés et ont adapté leurs rayonnages, créant des espaces « BookTok » pour répondre à cette demande émergente. Ce phénomène démontre la capacité des réseaux sociaux à transformer des pratiques culturelles traditionnelles en tendances virales, et à raviver le lien parfois rompu entre élèves et enseignants.
Apprendre avec les réseaux sociaux : une opportunité à maîtriser
L’apprentissage sur les réseaux sociaux marque une évolution majeure dans notre rapport au savoir. Si les défis sont réels — notamment en matière de validation des sources et de profondeur d’apprentissage — les opportunités sont immenses.
La clé réside dans notre capacité à intégrer ces nouveaux outils de manière réfléchie, en préservant les fondamentaux de l’apprentissage tout en exploitant les possibilités offertes par ces plateformes.
La révolution de l’apprentissage social ne fait que commencer. Son succès dépendra de notre capacité collective à en faire un outil d’émancipation, plutôt qu’une source de superficialité. L’enjeu est de taille : transformer le temps passé sur les réseaux sociaux en opportunités d’apprentissage significatives, tout en développant l’esprit critique nécessaire à la navigation dans cet océan d’informations.