Résumé de l’épisode précédent :
Alors que la formation semblait lancée sous les meilleurs auspices, un des participants a soudain manifesté quelques réticences à l’annonce de notre approche pédagogique : travailler pendant 1 jour et demi sur un contenu farfelu, très peu pour lui…
Stupeur parmi les formateurs : nous nous interrogeâmes du regard pendant quelques secondes par écrans interposés. Comment réagir face à cette remise en question de notre dispositif pédagogique ? Un bon formateur doit savoir composer avec ses formés, et notamment leur demander leur avis et le prendre en compte lorsqu’ils l’expriment.
Le tout n’est pas de dire « est-ce que ça vous va ? » après avoir annoncé le programme d’une formation par exemple : encore faut-il avoir envisagé que la réponse puisse être « non », et imaginé comment modifier son approche le cas échéant. Accepter que tout ne se passe pas comme prévu pour répondre au mieux aux attentes des formés, voilà bien une qualité indispensable à qui veut transmettre quoi que ce soit à des apprenants.
En l’occurrence, la réaction de notre participant, pour être franche et sans détours, n’en était pas moins tout à fait audible : effectivement, nous demandions aux participants de concevoir une formation à partir d’un contenu qui n’était pas le leur, et qui de surcroît ne correspondait à aucune réalité.
Nous avions fait le pari que cela leur permettrait d’une part de se concentrer justement sur les aspects pédagogiques de l’ingénierie d’une formation, et d’autre part de sortir de leur quotidien : il est parfois pertinent que les formations soient un peu dépaysantes. Nous pouvions comprendre qu’on n’adhère pas à ces partis-pris, même si la perspective de n’utiliser ni le scénario ni les documents que nous avions conçus nous attristait un peu. Dès lors, comment réagir ?
Pirouette cacahuète pédagogique
Pour prendre la température de manière plus précise, nous avons bien sûr demandé aux participants si d’autres avaient un sentiment identique : il n’en était rien. Tous semblaient même très enthousiastes à l’idée de passer du temps sur autre chose que leurs sujets quotidiens et ravis de se plonger dans l’univers décalé que nous avions imaginé pour l’occasion. C’était déjà ça ! Tous, même le formé que nous avions associé lors de la création des binômes à celui qui n’était pas convaincu par ce que nous proposions… Que faire ?
En un éclair, les dieux de la formation nous ont envoyé une solution : à partir des bonnes pratiques que nous avions fait émerger dans la 1ère phase, ce participant allait concevoir son dispositif de formation sur la base de son propre contenu. Il avait justement une formation à créer, avec de vrais objectifs et une vraie cible : parfait ! Ainsi, les apports théoriques que nous proposerions tout au long de la session le concerneraient aussi mais il maîtriserait le contenu et ferait avancer son travail personnel pendant la formation, avec nos conseils. C’était moins drôle, mais tant pis ! Il semblait beaucoup plus emballé.
Nous avons demandé par acquit de conscience aux autres participants s’ils souhaitaient eux aussi finalement travailler sur leurs propres problématiques (après tout pourquoi pas) : toujours pas ! Envoyez les superhéros ! Tout le monde était donc content… sauf le binôme de notre récalcitrant, qui fut obligé de travailler avec son collègue sur ses sujets habituels alors qu’il aurait bien changé un peu pour une fois.
Tout est bien qui finit bien
Après ce mini-raté au démarrage, la formation se déroula comme nous l’avions prévu, alternant points théoriques en plénière et moments de travail en binômes. Tous les formés jouèrent le jeu jusqu’au bout, et les présentations finales furent très réjouissantes : nous entendîmes ainsi les formés nous exposer en détail et de manière très sérieuse les programmes de formation qu’ils avaient imaginés pour des superhéros, PowerPoint à l’appui. Un vrai régal !
Quelque temps après la session de formation, tandis que nous faisions avec nos clients le bilan de notre intervention, nous avons eu droit à l’un des feedbacks les plus positifs que nous ayons jamais entendus : « en fait on n’a pas eu l’impression d’apprendre pendant la session, c’était agréable mais on ne savait pas vraiment ce qu’on faisait. C’est après coup, lorsqu’on s’est remis à travailler sur nos projets de formation, qu’on s’est rendu compte du recul qu’on avait par rapport aux problématiques d’ingénierie pédagogique. »
Mission accomplie !
Tous les articles de la série :
– LA super-formation (partie 1/4)
– LA super-formation (partie 2/4)
– LA super-formation (partie 3/4)
– LA super-formation (partie 4/4)
2 commentaires
C’est intéressant, et super bien écrit !
Merci pour cette petite histoire !
J’aurais ADORÉ participé à votre formation !
J’ai vécu l’expérience inverse en décembre dernier, alors que je suivais de nouveau une formation de formateurs : nous avons dû travailler sur nos projets individuels. 5 stagiaires, 5 projets radicalement différents.
Autant dire que lorsque l’un d’entre nous passait devant les autres, on était moyennement emballés. Forcément, on ne comprenait rien à ce que l’autre disait. Et c’était compliqué de s’auto-évaluer vu que les domaines étaient différent donc difficilement comparables.
On en a parlé entre stagiaires lors de la dernière pause déjeuner et on était d’accord sur le fait qu’on aurait préféré travailler sur un projet de formation fictif mais commun pour se concentrer davantage sur les concepts pédagogiques (formuler un objectif pédagogique, déterminer les méthodes d’évaluation, etc.) que sur le fond. En plus, cela nous aurait permis de comparer nos travaux, voire de travailler en groupes.
D’ailleurs, lors d’une de mes premières formations de formateurs, à la Croix-Rouge, on nous formait uniquement à la pédagogie, sans aucune notion de secourisme. Le secours n’arrivait qu’en deuxième phase. Au début, on apprenait la pédagogie en formant sur des trucs aussi simple que plier un pull, mettre la table ou nettoyer un tableau. Se concentrer sur la pédagogie et le contenu de la formation, en même temps, c’est compliqué mine de rien.