Résumé des deux parties précédentes :
Des clients nous ont demandé de former leur service formation à l’ingénierie pédagogique en 2 jours afin qu’ils soient capables, à l’avenir, de se passer de nous puisqu’ils disposeraient en interne d’un Sydo miniature. Maintenant que j’y pense, le choix de répondre positivement à une telle demande était commercialement discutable. Mais qu’à cela ne tienne : envers et contre toute considération pécuniaire, au simple nom de la pédagogie, nous avons accepté.
Un brainstorming, 12 réunions, des heures de travail et une pandémie plus tard, le grand jour est arrivé : nous allons prendre en charge 8 personnes pendant 2 jours pour les former à distance à la conception de dispositifs de formation en présentiel, le tout en leur faisant accepter de créer une formation destinée à des superhéros – vous avez bien lu. On aime le risque.
Notre stratégie ?
1 – Faire auditer une formation fictive à nos apprenants tout d’abord, pour qu’ils en fassent apparaître les défauts.
2 – Les accompagner dans la conception en binômes d’une formation plus efficace en leur fournissant le contenu théorique nécessaire.
3 – Leur faire confronter leurs propositions pour les concilier puis montrer in fine les choix pédagogiques que nous aurions faits à leur place.
Les 3 formateurs sont prêts – on s’est dit qu’il faudrait bien ça pour accompagner efficacement les binômes que nous créerions, nous sommes installés chacun chez nous devant nos 2 écrans, notre arrière-plan est soigné, nous avons fait taire maris, femmes et enfants, et les chats ont été congédiés (voir Les bonnes pratiques de la classe virtuelle). La formation peut commencer.
Nous accueillons nos formés et les mettons d’emblée dans l’ambiance par une première révélation, vidéo dessinée à l’appui : au sein de leur entreprise travaillent des superhéros et superhéroïnes spécialisés dans différents domaines et qui contribuent grandement à son succès. Ils devaient être formés à l’utilisation de leurs superpouvoirs par un expert, mais la session a tourné court et ils ont quitté le stage sans avoir appris à maîtriser leurs dons. L’heure est grave !
Nous adoptons pour l’occasion un ton solennel et jouons le jeu à fond : interprétée tièdement, notre partition ne fonctionnerait pas… Nous scrutons les vignettes sur nos écrans pour capter les réactions de notre auditoire : une moue par-ci, un haussement de sourcils par-là… c’est pas gagné… et puis finalement, une question amusée de l’un des participants prenant à cœur le rôle crucial que nous lui faisons jouer semble déclencher l’adhésion de tout le groupe : ça y est, ça marche ! Les formés se prennent au jeu et se lancent avec enthousiasme dans la première phase du travail que nous leur proposons. Notre trio se détend : la mayonnaise prend !
La peau de l’ours
La phase 1 s’est déroulée sans accrocs : en étudiant les documents que nous avons mis à leur disposition (programme de la formation, témoignages des formés, extrait filmé pendant la session entre autres), les formés ont identifié les nombreuses insuffisances de la formation qui, dans la fiction que nous avons créée, n’a pas porté ses fruits, et s’est même mal terminée.
A partir de tous ces défauts, nous avons fait émerger une série de vraies bonnes pratiques à mettre en œuvre si l’on veut qu’une formation en présentiel fonctionne (formulation d’objectifs pédagogiques clairs et réalistes, mise à profit du caractère présentiel de la formation, prise en compte du profil des apprenants pour créer le programme ou encore choix d’un contenu en lien avec la réalité de leurs besoins). C’était beau.
C’est lorsqu’on a abordé la 2ème phase que la mécanique s’est enrayée. En appliquant les principes identifiés en phase 1, nos formés étaient invités à concevoir un programme de formation à partir d’un contenu théorique créé de toutes pièces par notre équipe : procédure administrative pour être reconnu en tant que superhéros, étude « scientifique » sur l’origine des superpouvoirs, liste des superhéros présents dans l’entreprise, notice sur la confection de son costume, etc.
Nos documents fantaisistes mettaient les formés face à un contenu qu’ils devaient s’approprier (comme dans leur position d’ingénieurs pédagogiques) et constituaient une invitation à ajouter les éléments fictifs dont ils auraient besoin une fois les objectifs définis. Et au moment où, une fois nos attentes formulées et les documents fournis aux participants, nous leur avons demandé s’ils avaient tout compris et s’ils étaient prêts à commencer, une voix s’est élevée parmi notre auditoire : « non ».
Comment ça, « non » ? On n’avait pas été clairs ? Il manquait des éléments ? On n’avait pas perçu l’incompréhension chez nos formés ? Rien de tout ça. Tout était limpide mais justement, l’un de nos participants se voyait mal plancher pendant 1 jour et demi sur ce contenu farfelu que nous avions inventé pour l’occasion. Franchement, il avait autre chose à faire, une formation à préparer de son côté, de vrais contenus sur lesquels réfléchir, en un mot pas de temps à perdre sur cette histoire de superhéros vous voyez, mais vous êtes très sympas, c’est pas le problème, hein.
Diantre, ça se corsait.
A suivre… bientôt !
Tous les articles de la série :
– LA super-formation (partie 1/4)
– LA super-formation (partie 2/4)
– LA super-formation (partie 3/4)
– LA super-formation (partie 4/4)
Conception formation, formation, Formation de formateurs, Ingénierie pédagogique
Un commentaire
Ce suspeeeeeeeense ! Vite, la suite !