Chaque lundi, nous vous proposons de voyager dans l’Histoire de la pédagogie, à travers les portraits des plus grands pédagogues et théoriciens qui ont influencé nos modèles contemporains.
Makarenko, c’est qui ?!
Né le 1er mars 1888 à Belopolié, ville ukrainienne appartenant alors à l’Empire Russe, Anton Semionovitch Makarenko est issu d’une modeste famille ouvrière. Formé au sein d’une école de cheminots, il devient instituteur dès l’âge de 17 ans. Réformé de l’armée russe du fait d’une forte myopie, il poursuivra sa formation à l’institut pédagogique de Poltava.
En 1920, après la révolution d’Octobre, Makarenko organise une « colonie », c’est-à-dire un internat dédié à l’éducation et à l’encadrement d’enfants abandonnés et de jeunes délinquants. Cette colonie, qu’il dirige jusqu’en 1921, prend le nom de « Gorki », célèbre intellectuel socialiste avec qui il entretient une correspondance. Il ouvre un second établissement réservé aux enfants abandonnés en 1928, la « commune Dzerjinski », qu’il dirige jusqu’en 1936.
Suite à ses expériences au sein de Gorki et Dzerjinski, les detdomy — orphelinats ou « maisons d’enfants » — et les établissements de rééducation par le travail se multiplient au sein de l’URSS, reprenant et adaptant l’essentiel des principes pédagogiques de Makarenko (principes qui seront développés ci-dessous).
Souvent en opposition frontale avec le Commissariat soviétique de l’Instruction Publique du fait d’une approche jugée trop « coercitive », il faut attendre 1936 pour que les théories pédagogiques de Makarenko soient officiellement reconnues et jouent un rôle central dans la doctrine éducative soviétique. À partir de cette date, et jusqu’à sa mort en 1939, celui qui sera plus tard considéré comme le plus grand éducateur soviétique enseigne ses idées lors de conférences, à la radio ou encore dans le cadre de réunions.
Pour l’anecdote, bien qu’il ait totalement révolutionné le système pédagogique soviétique et qu’il se considère lui-même comme socialiste, il ne fut jamais membre du parti communiste, malgré une demande d’adhésion déposée quelques semaines avant sa mort.
Et Makarenko ça donne quoi aujourd’hui ?
Confronté à un défi éducatif titanesque, Makarenko s’appuie sur plusieurs principes-clés pour éduquer les jeunes en difficulté, comme :
• L’instruction ne peut être pensée sans le travail, au sens manuel. L’objectif de Makarenko est de faire de ces jeunes des techniciens qualifiés, instruits et utiles au collectif. Aussi, le travail productif joue un rôle prépondérant au sein de ses structures, au même titre que les études.
• L’éducation n’est pas seulement l’affaire de l’instituteur et il ne faut pas réduire le processus pédagogique à l’interaction de deux personnes, l’instituteur et l’élève. L’éducation est un processus social complexe et nécessite de forts liens entre la « collectivité éducative » stricto sensu et l’extérieur.
• Si l’éducateur « ne peut pas tout », Makarenko se bat aussi contre ce qui est aujourd’hui appelé « l’éducation libre » et rappelle ainsi le rôle éducatif central que doit jouer l’éducateur pour encadrer et guider les élèves dans leur développement.
• L’enseignement, et plus largement l’éducation, se doit d’être pluridisciplinaire et d’intégrer aussi bien des activités intellectuelles que manuelles, sociales, esthétiques ou encore sportives.
• Tout élève doit être éduqué dans des conditions de rapports humains proches de la réalité, dans des conditions de collectivisme. Aussi, chacun, dès le plus jeune âge, doit participer à la gestion et à l’organisation de la collectivité, qui doit être profondément démocratique. C’est par et grâce au collectif que prospèrent la créativité, la liberté individuelle et l’égalité.
• Théorie et pratique ne peuvent être séparées. Si des idées-clés (les siennes, par exemple) peuvent guider l’éducateur ou l’enseignant, il faut savoir les tester sur le terrain, les faire évoluer, et s’adapter à son contexte éducatif.
Ses œuvres, tirées à des millions d’exemplaires et ce, sur tous les continents, sont encore aujourd’hui largement étudiées et utilisées au sein d’institutions spécialisées, notamment dédiées à la réinsertion.
Ses principes-clés, comme l’intégration du travail et de la vie en communauté dans l’éducation, le développement individuel au service du collectif ou encore la nécessité d’une approche pluridisciplinaire dans le processus pédagogique semblent plus que jamais d’actualité.
Quelques ouvrages d’Anton Makarenko à consulter :
– Œuvres pédagogiques Tome 1 et 2
– Le maître insurgé
– L’Éducation du Travail
– Pour l’école du peuple
– Le poème pédagogique
À noter : une grande partie de sa théorie a été développée lors de conférences et discours.