Le rôle des émotions dans l’apprentissage

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On place souvent la motivation et l’attention au centre des réflexions sur les mécanismes d’apprentissage : on apprend mieux lorsqu’on a envie d’apprendre (pour des raisons qui peuvent varier) ou lorsqu’il est nécessaire qu’on apprenne ; on apprend mieux quand notre attention est captée par celui ou celle qui veut nous faire apprendre quelque chose, peu importent les moyens utilisés. Néanmoins, les émotions elles-mêmes jouent un rôle essentiel dans la manière dont nous comprenons et apprenons : “” (Claude Frasson, professeur à l’Université de Montréal).

Le côté obscur…

Je pourrais commencer par un souvenir personnel. En arrivant en hypokhâgne, j’ai dû me mettre au latin et suivre des cours de mise à niveau. Le rythme était très soutenu, les deux heures de latin hebdomadaires étaient à chaque fois bien remplies et nous croulions évidemment sous le travail à faire d’une semaine à l’autre : versions, mémorisation des exemples types et exercices en tous genres. J’ai rarement travaillé une matière aussi assidûment et avec un tel acharnement que le latin cette année-là… parce que j’avais envie de « réussir » (concept encore assez nébuleux aujourd’hui), mais aussi (et surtout ?) parce que j’avais peur. Chaque semaine, nous étions inlassablement interrogés, nous traduisions à tour de rôle des paragraphes entiers, et les commentaires de notre professeur, un brillant agrégé de Lettres Classiques, n’étaient pas toujours empreints de diplomatie. Il pouvait se montrer si inflexible, si autoritaire et si glaçant (ce qui ne l’empêchait pas d’être extrêmement drôle et spirituel) que je n’étais pas le seul à trembler avant d’entrer en cours. Et, sur moi en tout cas, ça marchait : j’ai travaillé d’arrache-pied, j’ai fait des progrès incroyables et je me souviens de tirades entières…. On peut en penser ce qu’on veut, mais c’est indéniable : la peur peut être un moteur de l’apprentissage. Je ne suis pas le seul à avoir travaillé au contact de professeurs de cette trempe… une manifestation collatérale de l’instinct de survie ?

Le plaisir et la joie

Au contraire, et paradoxalement, la joie peut elle aussi faciliter l’apprentissage. C’est sur ce constat que sont construites nombre de conférences TED, qui s’apparentent parfois à de véritables one (wo)man shows. On retient mieux ce qui nous  a été transmis pendant que nous éprouvions une émotion positive : là encore, nous avons tous en tête des exemples de professeur(e)s qui étaient capables de faire rire leurs élèves dans les moments-clés. Bien sûr, c’est d’abord une question d’attention : faire rire permet de capter celle des apprenants. Et l’on se souviendra de telle ou telle notion parce qu’on aura ri au moment où elle a été énoncée. Cependant au-delà de la simple mémorisation, la joie semble faciliter l’apprentissage lui-même en ouvrant des voies vers la compréhension. Il paraît naturel que la notion de plaisir puisse être associée à la compréhension : on est plus enclin à comprendre lorsqu’on est dans un état de bien-être, et la compréhension procure en retour du plaisir. Qui n’a pas ressenti une vive émotion positive en comprenant un paragraphe de Cicéron ou en résolvant une équation peu avenante ?

Un équilibre à trouver

Il paraît donc important, lorsqu’on est formateur, d’avoir conscience de l’importance de ces ressorts dans les mécanismes d’apprentissage : si l’on ne fait que terroriser les apprenants, les résultats ne seront pas bons… A l’école, les élèves qui entrent systématiquement en cours avec un nœud au ventre ne sont pas dans les meilleures dispositions pour apprendre. A l’inverse, un formateur qui passe son temps à faire rire ses apprenants peut perdre les fruits de la décontraction qu’il instaure dans le groupe. Pour créer un climat favorable, il convient de savoir doser ses effets… Et, bien sûr, de tenir compte de la diversité des apprenants et de prendre en compte leurs réactions : là où l’on amusera les uns, on pourra ennuyer les autres ; on braquera durablement tel ou telle là quand on aura stimulé une partie d’entre eux… Aucune recette n’est universelle !

Source : Image tirée de Vice Versa – Pixar


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