Apprendre en jouant, c’est un peu le graal de l’apprentissage, la cerise sur le gâteau pédagogique. Dans le monde digital, cette union prend la forme d’un serious game, qui peut être utilisé pour former des collaborateurs mais également pour sensibiliser le grand public à des thématiques telles que la guerre de 14-18 ou l’agriculture biologique. Mais le mariage du jeu et de la pédagogie ne va pas forcément de soi…
On apprend mieux en s’amusant
Platon s’était déjà rendu compte de l’intérêt des jeux dans l’éducation des enfants. L’idée des jeux pédagogiques est donc ancienne. Le postulat est que le plaisir et la motivation suscités par le jeu permettent de comprendre et d’apprendre plus facilement. Dans un article du Monde, le chercheur en ludologie Boris Solinski explique ainsi qu’un enfant est capable d’aborder les nombres négatifs par le jeu, lorsqu’il faut retirer des points à un joueur par exemple, ce qu’il n’arrive pas encore à faire par l’abstraction.
Le serious game, kesako ?
Dans sa forme actuelle, le serious game est un jeu vidéo dont le but n’est pas seulement le divertissement. Le serious game possède donc une dimension utilitaire : les commanditaires du jeu définissent des objectifs en termes pédagogiques, qui devront être atteints par la pratique du jeu. America’s army, un des premiers serious game identifié comme tel datant de 2002 est une commande du gouvernement des Etats-Unis. Le joueur incarne un soldat de l’US Army et doit collaborer avec les autres pour vaincre l’ennemi. A travers ce jeu de simulation, l’armée cherche à inciter les jeunes à découvrir la réalité des opérations militaires et à valoriser son image, afin d’augmenter ses effectifs.
Le serious game aujourd’hui
Aujourd’hui, les serious game se sont développés et sont crées à la fois pour des administrations et pour des entreprises. En fonction de l’ampleur des projets (durée de jeu notamment) et des spécificités techniques (nombre de décors, décors en 3D ou non, etc.), les budgets des serious game peuvent aller de 15 000 euros à plusieurs centaines de milliers d’euros. Potentiellement, ces jeux peuvent représenter un investissement important pour les entreprises, l’efficacité du serious game est donc un enjeu crucial. Or, aujourd’hui de nombreux jeux n’atteignent pas les objectifs fixés : les joueurs – apprenants s’ennuient, n’apprennent pas grand-chose et ne modifient pas leur comportement.
Comment être sûr de rater son serious game ?
Le principal problème est que les commanditaires souhaitent souvent intégrer le contenu à transmettre directement dans le jeu. Pourtant, pour qu’un serious game fonctionne, il faut que le joueur – apprenant soit immergé dans le jeu, qu’il soit en quelque sorte dépassé par le jeu et qu’il ait envie de gagner plus que tout. Si le contenu est intégré de manière grossière, par exemple si les discours des personnages semblent artificiels, le joueur risque de décrocher et de considérer le serious game non pas comme un jeu, mais comme une formation déguisée et ennuyeuse. Dans le pire des cas, il peut même se sentir infantilisé. Dans l’idéal il faut donc que les séquences de jeu permettent de développer ses savoir-être (par exemple l’habileté). La transmission de contenu peut avoir lieu en dehors de ces séquences, après par exemple. Il s’agit alors de moments réflexifs où l’on peut faire le point sur ce que l’on vient d’expérimenter.
Réaliser un serious game part souvent d’une très bonne intention (permettre au public d’apprendre en s’amusant) mais qui peut être perdue en cours de route. A chaque étape du projet, il faut donc veiller à trouver un juste équilibre entre le jeu et la transmission de contenu. A ce titre, il peut être utile de créer des équipes projet mixtes, faisant travailler ensemble des concepteurs de jeux vidéo (spécialistes du gameplay et des aspects ludiques) et des ingénieurs pédagogiques (spécialistes de la transmission de contenus).
Image à la Une : Capture du jeu du serious game Chronothérapie, où l’objectif est de comprendre le fonctionnement des cellules saines et des cellules cancéreuses.
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