C’est la question que se sont posés Jay Kimmelman, cofondateur de l’éditeur de logiciels Edusoft, l’anthropologue Shannon May et le spécialiste du jeu éducatif Phil Frei. Leur objectif était de proposer un enseignement de qualité, à moindre coût, pour les pays en développement. Ils ont finalement mis en place un dispositif innovant, faisant notamment intervenir une tablette numérique. Explications.
Moins cher, plus efficace
Le dispositif a été testé au Kenya, au sein de 134 écoles. En effet, le Kenya fait partie des 12 états qui représentent la moitié des enfants non-scolarisés dans le monde. L’objectif était donc de scolariser le maximum d’élèves, sans que cela ne coûte trop cher (5 dollars par mois maximum). Finalement, les premiers résultats de ces écoles sont encourageants et sont souvent supérieurs à ceux des écoles publiques et privées.
La machine à tout savoir
Les élèves apprennent grâce à une tablette, qui contient tout le contenu des cours, en relative autonomie. L’enseignant est présent pour aider les élèves à acquérir les savoirs, il ne les dispense pas. Son rôle est celui d’un accompagnateur, qui peut répondre aux questions des élèves, lorsqu’une notion n’est pas comprise. Déléguer l’enseignement permet de regrouper les élèves de différents niveaux dans une même classe : un seul enseignant est nécessaire. Les élèves peuvent également apprendre à leur rythme, sans être freiné ou ralenti par leurs camarades.
Pour les responsables du projet, l’utilisation de la tablette en classe permet en partie de réduire les coûts de formation des enseignants : « Nous avons enregistré les cours de 45 excellents enseignants, issus des meilleures écoles kényanes et de Harvard. Les élèves les visionnent en classe et les travaillent avec des enseignants locaux », explique l’entourage de Shannon May. Ces cours sont diffusés massivement ce qui permet de rentabiliser les coûts liés à leur conception et à leur enregistrement.
Repenser le rôle du professeur
Proposer une offre de cours standardisée n’est pas une idée inédite, réservée aux seuls pays en développement. La Khan Academy par exemple, développée aux Etats-Unis, propose des vidéos de cours en ligne, sur une grande variété de sujets. Mais cet outil est encore peu utilisé dans les écoles. C’est un soutien pour les élèves qui souhaitent revoir ou approfondir une connaissance. Pourtant, utilisées selon le principe de la classe inversée, les vidéos de cours visionnées à la maison permettraient à l’enseignant de se concentrer sur les projets en groupe et sur les exercices qui nécessitent un accompagnement du professeur.
En ce qui concerne l’expérience menée au Kenya, le rôle du professeur est encore un peu différent, c’est un accompagnateur, intervenant selon les sollicitations des élèves. Et c’est peut-être cela qui peut le plus heurter notre vision de l’éducation : le rôle du professeur réduit à sa plus simple expression, sans la possibilité de choisir la pédagogie la plus adaptée à son public.
Aujourd’hui, avec un accès à l’information facilité par le web, le rôle du professeur devrait être amené à évoluer. Dans un monde futur idéal, le professeur devrait être moins jugé sur ses connaissances pures mais davantage sur ses capacités d’animation et de pédagogie. Il devrait accompagner les élèves pour trier et juger de la pertinence des contenus, en animant la classe pour favoriser les questionnements et la prise de recul. Cela suppose un nombre réduit d’élèves et un professeur formé aux techniques d’animation de classe. Cependant, ce nouveau rôle ne rendra pas forcément l’enseignement moins cher que l’enseignement actuel, fondé sur la transmission du savoir par le professeur.
Source image : lemonde.fr, Newsha Tavakolian
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