Une fois n’est pas coutume, nous allons parler des plus petits d’entre nous. En effet, on essaie de plus en plus d’introduire les nouvelles technologies à l’école : des iPads sont offerts aux collégiens, Twitter est utilisé pour apprendre l’orthographe, l’écriture cursive est abandonnée au profit des claviers… Mais est-ce vraiment une bonne idée ? Que savons-nous de l’influence de ces nouveaux médias sur le cerveau des enfants ?
Eh bien comme toujours dans ce type de débat, il y a deux écoles.
D’un côté du ring, nous avons les « technophiles », adeptes du numérique à outrance. Pour eux, les technologies de l’information et de la communication (TIC) modifient profondément nos mécanismes d’apprentissage. C’est d’ailleurs la base même du connectivisme, qui prône une co-construction du savoir : plus on est connecté aux autres, plus on peut développer de connaissances. Pour les « technophiles », il faudrait donc construire toute l’éducation autour du numérique, en fournissant ordinateurs et tablettes dès la maternelle, voire en plaçant l’apprentissage de langages de programmation au même rang que l’apprentissage de l’écriture.
De l’autre côté, les « technophobes ». Ils ne rejettent pas en masse toutes les technologies, mais s’interrogent plutôt sur l’intérêt de numériser l’école : dans un monde où les TIC prennent de plus en plus de place, pourquoi ne pas faire de l’école un îlot démédiatisé, qui favoriserait d’autres aptitudes que la technique ? Ce serait d’ailleurs la vision de grands noms de l’industrie des hautes technologies (Google, Microsoft, etc.), qui préfèrent placer leurs bambins dans des écoles Montessori ou Waldorf, dont ils sont parfois eux-mêmes issus. Certains « technophobes radicaux » vont tout de même plus loin : les TIC seraient responsables de la chute des performances et de l’intérêt en tout ce qui est scolaire, de l’isolement social et in fine d’un abrutissement généralisé de la jeunesse. Après la masturbation qui rend sourd, je vous présente l’Internet qui rend con.
Sur le terrain, on observe pourtant des résultats immédiats plutôt positifs lorsqu’on introduit des nouvelles technologies dans les écoles. D’après les professeurs qui mettent cela en place, les cours sont plus ludiques, les élèves sont plus curieux, ils gagnent en motivation, et certains disent même que les résultats globaux augmentent. Mais qu’en est-il sur le long terme ? Qui a donc raison ? Les « technophiles » ou les « technophobes » ?
Les deux mon capitaine !
À mon humble avis, nous manquons cruellement de recul vis-à-vis de l’introduction de ces nouvelles technologies dans les processus d’apprentissage. Les nouvelles technologies ont, c’est certain, bouleversé nos manières d’apprendre et de percevoir le monde, ne serait-ce que par la disponibilité de l’information : on a accès, grâce à un clic ou deux, à une quantité incroyable de connaissances. Il faut donc que les enfants soient éduqués à ce nouvel espace d’information et de partage, qu’ils en maîtrisent les codes et les règles. Mais est-ce vraiment une raison pour faire des TIC l’outil principal d’apprentissage des enfants ?
Pour Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, l’utilisation des nouvelles technologies au quotidien peut effectivement améliorer le développement cognitif des enfants, mais il ne faut pas faire n’importe quoi n’importe quand. Il a donc développé une méthode, appelée 3-6-9-12, qui définit les bonnes pratiques à mettre en place pour une utilisation intelligente des TIC en fonction de l’âge des enfants : avant 3 ans, entre 3 et 6 ans, entre 6 et 9 ans, entre 9 et 12 ans, et après 12 ans. Encore une fois, on ne peut pas vraiment mesurer les effets de cette méthode sur le long terme, mais l’idée d’une utilisation intelligente et contrôlée des TIC pour l’apprentissage est très séduisante.
Au final, tout cela est encore très flou. On ne peut pas décider de simplement laisser tomber l’écriture cursive ou de bannir toutes les technologies de nos salles de classe : le premier pourrait tuer la créativité en éliminant le rapport au crayon (pour faire des gribouillages par exemple), et le deuxième serait en inadéquation avec le monde d’aujourd’hui. Le mieux serait sans doute de trouver un juste milieu en mêlant classicisme et nouvelles technologies, permettant aux enfants de comprendre le monde qui les entoure et de s’adapter à tous les outils qu’ils peuvent rencontrer.
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