La classe virtuelle est l’une des modalités d’apprentissage à distance qui sont les plus plébiscitées par les entreprises : elle est bien commode pour faciliter l’organisation des formations, toucher un large public… et réduire les coûts.
Nous ne reviendrons pas ici sur le défaut d’ingénierie pédagogique pouvant conduire les concepteurs à considérer que commenter un support de présentation PowerPoint (ou autre) pendant 2 heures est satisfaisant lorsqu’on organise une classe virtuelle.
Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est un curieux paradoxe auquel nous avons été plusieurs fois confrontés récemment : des entreprises nous demandent de concevoir pour elles des formations incluant des sessions en classe virtuelle… alors qu’elles n’ont pas les moyens d’en animer dans de bonnes conditions.
Demande paradoxale
Expliquons-nous : en tant qu’ingénieurs pédagogiques, nous sommes régulièrement sollicités pour concevoir des modules de formation au format classe virtuelle. La demande a explosé en même temps que la pandémie, et nous avons donc multiplié les expériences et développé notre savoir-faire en la matière. Tout le monde veut sa classe virtuelle – et effectivement, si c’est bien fait, si les objectifs sont réalistes et surtout si ce n’est pas trop long, on arrive à des résultats tout à fait satisfaisants.
Le problème, c’est que parmi les adorateurs de la classe virtuelle, on compte bon nombre de structures qui veulent mettre la charrue avant les bœufs, c’est-à-dire déployer des formations sur ce modèle-là avant d’avoir la possibilité réelle de le faire. Ce qui donne des conversations de ce type :
« Voilà, c’est tout ça que nous voudrions mettre dans nos sessions en classe virtuelle. Nous avons bien conscience qu’il faudra découper les contenus pour prévoir plusieurs sessions, afin que les classes virtuelles ne durent jamais plus de 2 heures !
– Très bien, c’est parfait dans ce cas. Nous allons nous mettre le plus rapidement possible au travail pour vous proposer un programme avec le contenu de chacune des sessions. Vous voyez d’autres éléments à nous communiquer avant que nous ne nous y mettions ?
– Alors oui : l’outil de visio que nous utilisons est paramétré avec quelques restrictions que vous devez connaître.
– Pas de problème ! On vous écoute.
– Déjà, les participants ne peuvent pas communiquer entre eux.
– Ok !
– Ni travailler sur un document collaboratif.
– Hmm hmm…
– Ensuite, il n’est pas possible de répartir les participants dans des salles de sous-groupe.
– Ah…
– Et puis ils ne peuvent pas se voir.
– Hein ?
– Oui, c’est uniquement audio chez nous. Le formateur peut partager un document et le commenter, c’est tout.
– Mais alors…
– Un document PowerPoint exclusivement.
– Ça veut dire que…
– Et certains collaborateurs n’ont pas d’ordinateur.
– !!!
– Ou pas de connexion internet.
– …
– Et ils sont très pris en général, donc ils ont peu de temps pour se former.
– …
– Je me rends compte en vous disant tout ça que le cadre est peut-être un peu rigide, non ?
– Rigide ? Noooon ! Pourquoi vous dites ça ? »
A l’impossible nul n’est tenu
La classe virtuelle, oui, mais si et seulement si l’on peut mettre à profit les possibilités qu’elle offre, comme répartir en un clin d’œil les formés en sous-groupes, faire en sorte qu’ils travaillent ensemble sur un même document partagé ou encore multiplier les sessions courtes pour distiller la formation dans la durée.
À bien des égards et pour peu qu’on prenne le temps de lui dédier un travail d’ingénierie pédagogique, elle constitue un outil très efficace et très pertinent. Et puis lorsqu’on prend du temps pour réfléchir à la conception de classes virtuelles, on se rend vite compte qu’on est obligé de se poser tout un tas de questions sur le présentiel, ce qui est très stimulant : pourquoi réunir des participants dans une salle pendant une journée ? qu’est-ce qu’on peut faire en présentiel et qu’on ne peut pas faire à distance ? etc.
Mais tout ça ne peut avoir lieu que si l’on a les moyens de faire de vraies classes virtuelles ! Un présentateur qui commente des slides pendant 2 heures, ça ne s’appelle pas une classe virtuelle (ni une formation d’ailleurs), ça s’appelle un webinaire. Faire de l’apprentissage à distance avec des gens qui ne travaillent pas sur ordinateur, c’est une fausse bonne idée.
Pire peut-être : imaginer que c’est parce que c’est à distance qu’on va pouvoir demander à des salariés de suivre une formation en dehors de leur temps de travail, dans le train ou aux toilettes, c’est complètement délirant… mais c’est un autre débat.
Bref, des classes virtuelles oui, mais avec des outils adéquats et libres d’accès, et pour des collaborateurs équipés et disponibles. Sinon, préférez des liens Youtube, ce sera plus efficace.
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