PEDAGOGO #43 – LEON TOLSTOÏ (partie 2/2)

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La semaine dernière, nous avons abordé la vie de Tolstoï et son implication dans la réforme de l’enseignement en Russie et plus globalement de la pédagogie. Découvrons aujourd’hui ses idées.
 

Et Léon Tolstoï, quelles sont ses idées ?

 

 
Pour Tolstoï, le principal leitmotiv de tout enseignant doit être la liberté. Chaque enseignant doit à la fois apprendre la liberté à ses élèves, mais aussi leur rendre leur liberté afin qu’ils fassent le choix d’apprendre ce qu’ils veulent apprendre, de la manière dont ils veulent l’apprendre.
 
Ainsi, dans l’école de Tolstoï, les élèves peuvent s’asseoir où ils veulent, le professeur étant au milieu de la classe, debout ou assis. La classe n’a pas de durée déterminée, tout dépend du désir d’apprendre des enfants. D’ailleurs les élèves peuvent ou non venir en classe, selon leur desiderata.
 
Pour Tolstoï, la connaissance ne peut être que libre : sans cette condition, on perd tout dynamisme ou esprit d’initiative et on tarit aussi la soif d’apprendre des enfants, ce qui met en péril l’acquisition de connaissances. Les enfants doivent apprendre d’eux-mêmes, par l’observation, l’expérience et la discussion, en suivant leur volonté plutôt qu’une contrainte.
 
Cet idéal libertaire n’est pas synonyme pour autant de chaos. Il existe un ordre, nécessaire, qui n’est pas pré établi et imposé ex-nihilo, mais construit avec les enfants. C’est un “ordre librement consenti”, un “ordre naturel” (tiens, encore Rousseau).
 
La liberté recherchée impose une condamnation totale de toute violence pouvant perturber le libre développement de l’enfant (Tolstoï demeure profondément bouleversé par tous les types de violence rencontrés en Europe sous couvert d’intentions d’instruction). Les punitions, les examens (mais aussi les récompenses !) et toutes autres “obligations” considérées comme essentiellement violentes sont donc interdits.
 
Cette liberté guide la relation entre maître et élève. Un bon “maître” doit savoir créer une osmose entre “les personnes qui désirent apprendre et celles qui désirent enseigner”. C’est le respect mutuel qui doit guider cette relation, et en aucun cas une influence ou une intervention visant à formater un homme tel que désiré. Et c’est ici le gros point de divergence entre Tolstoï et de nombreuses écoles et pédagogues considérés alors comme progressistes : aucun rapport de domination ne doit s’établir. Le rapport doit être le plus vrai possible, afin de respecter la bonté inhérente des enfants.
 
Léon Tolstoï disait ainsi : « Reconnaissons qu’il n’y a qu’un seul critérium de la pédagogie, la liberté, une seule méthode, l’expérience. ». En effet, s’il est souvent vu comme un précurseur des pédagogies libertaires mais aussi des méthodes actives, Tolstoï est surtout reconnu pour son travail sur le sens de l’action pédagogique.
 
Tolstoï met ainsi en garde contre les nouvelles méthodes qui, bien que considérées par certains comme « progressistes », cachent selon lui de nouvelles contraintes. Il ne faut pas nécessairement de “nouvelles méthodes” à suivre, il faut que la pédagogie demeure basée sur l’expérience, la spontanéité et un lien le plus naturel possible entre élève et professeur. Il faut douter, accepter qu’il y ait une “non-science pédagogique”, qu’on ne sache pas ce qu’il faut enseigner, afin de rechercher et d’expérimenter : “la définition de la pédagogie et de son but est impossible, inutile et nuisible. Nous n’acceptons pas toute la philosophie de la pédagogie, parce que nous ne pouvons pas admettre la possibilité qu’un homme sache ce qu’un autre homme a besoin de savoir”.
 
Pour lui, les besoins des élèves ne peuvent être déterminés a priori, tout comme la manière de subvenir à ces besoins. L’école est un laboratoire pédagogique où fond et forme se créent en direct, en collaboration.
 
L’expérience et les écrits de Tolstoï ont largement contribué aux sciences de l’éducation et à l’enseignement, en Russie même et bien au-delà.
 
Ainsi, une vingtaine d’écoles primaires ouvrent simultanément à la création de l’école d’Iasnaïa Poliana (qui continue aujourd’hui de fonctionner !) et de nombreux enseignants de grandes villes russes se rendent fréquemment dans le domaine afin d’observer cette expérience. Les professeurs et étudiants de son école partent aussi tester les méthodes tolstoïennes dans toute la Russie.
 
Aujourd’hui, ses ouvrages sont encore fréquemment traduits et publiés. Certains ont été inscrits pendant longtemps au programme des écoles d’enseignement général en Russie, mais aussi à celui des établissements formant les éducateurs, instituteurs et professeurs du primaire, du secondaire et du supérieur !
 
Une médaille d’or internationale Léon Tolstoï a même été créée et est remise chaque année à des humanistes ayant consacré leur vie aux enfants.
 
Il a enfin fortement influencé l’œuvre de nombreux pédagogues comme Alexander Sutherland Neill, Carl Dodgers, John Dewey ou Célestin Freinet.
 

Quelques ouvrages de Léon Tolstoï à consulter :

– “L’école de Iasnaïa Poliana”, 1862
– “La liberté dans l’école”, 1862
– “Souvenirs”, 1864
– “Syllabaire”, 1872
– ”Sur l’instruction du peuple”, tome XIV, Articles pédagogiques, Compositions et adaptations pour les enfants, 1873
– “Oeuvres pédagogiques”, 1905-1906

 
 
 


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Aymeric Debrun

  • Diplômé de Sciences Po Lyon – Master Coopération internationale et aide au développement

Découvrir un domaine inconnu, une nouvelle idée, une information ignorée. Se mettre à lire, étudier, analyser, comprendre. Puis approfondir, creuser, se passionner. Et enfin intriguer, intéresser, expliquer, transmettre. Et recommencer.

Un chemin maintes et maintes fois parcouru aussi bien dans ma vie personnelle qu’étudiante. Chez Sydo, j’ai trouvé un travail pour continuer à l’arpenter et faire de ce chemin… un schéma pédagogique.

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