Apprendre de manière détournée, avec les nudges ?

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Apprendre nudges

La démocratisation du savoir connaît une révolution sans précédent. Avant-hier, on vous parlait d’apprentissage avec la musique. Hier, on discutait de l’apprentissage avec les réseaux sociaux. Aujourd’hui, on va voir qu’on peut apprendre avec les nudges. Des quoi ?
 

Demain, tous nudges : l’apprentissage dans son plus simple appareil ?

 
Commençons par le début, si vous le voulez bien, c’est quoi un nudge ?
 
Dans sa définition littérale, le mot nudge signifie littéralement « coup de pouce » ou « encouragement discret ». Introduit par les chercheurs Richard Thaler et Cass Sunstein dans leur ouvrage Nudge : Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness (2008), il décrit une méthode pour orienter les choix des individus tout en préservant leur liberté.
 
Contrairement à une règle imposée, un nudge modifie l’environnement pour rendre certaines options plus visibles, attrayantes ou faciles d’accès.
 

Apprendre sans apprendre : le nudge est-il une alternative aux méthodes classiques ?

 
Maintenant que les choses sont claires pour tout le monde, peut-il nous permettre d’apprendre sans nous « former » ? Est-ce une vraie alternative aux méthodes classiques ? Explorons un peu la question.
 
Dans une formation classique, l’apprentissage exige une participation active : écouter, lire, résoudre des problèmes, ou pratiquer. Le nudge, lui, agit en arrière-plan, une méthode discrète et non conventionnelle : en exploitant nos biais cognitifs (comme le biais d’attention ou le choix par défaut) pour nous exposer à des idées ou nous orienter vers des comportements.
 
Si elle peut sembler de prime abord hors-sujet, la question de l’utilisation des Nudges comme moyen d’apprentissage à part entière n’est peut-être pas si saugrenue. Car ce concept issu de l’économie comportementale propose une approche douce pour influencer nos comportements, et donc, de manière inattendue, pour nous transmettre des savoirs.
 
Que ce soit dans le métro, au supermarché, ou sur nos lieux de travail, les nudges transforment notre environnement en un espace propice à un apprentissage involontaire et sans contrainte.
 

Apprendre avec les nudges : un apprentissage implicite

 
Ce qui rend le nudge unique, c’est qu’il s’adresse à nos mécanismes cognitifs automatiques. Nous agissons souvent par réflexe, influencés par notre environnement.
 
Les nudges exploitent ces biais cognitifs pour faciliter des comportements souhaitables, ils nous forment de manière intrinsèque et nous permettent “d’apprendre” des comportements ou “d’apprendre” à lire des pictos et signaux qui nous permettent d’appréhender notre environnement.
 

Apprendre avec les nudges : Une forme d’apprentissage ou du simple conditionnement ?

 
Sont-ils pour autant de véritables vecteurs d’apprentissage ? Considère-t-on qu’il s’agit d’une façon d’apprendre ? Et surtout, si on en tire des connaissances, ou du moins des comportements, peut-on dire qu’il s’agit de pédagogie ou simplement d’un conditionnement mécanique ?
 
Une image de mouche ou une mini cage de foot au fond d’un urinoir va automatiquement amener les hommes les utilisant à « viser » cet élément, et éviter les débordements. Quand tous les autres moyens (pancarte, écriteaux, éducation de base,…) ont échoué à « apprendre » le bon comportement à l’utilisateur, le nudge, en jouant sur nos réactions primaires, vole au secours des équipes de ménage.
 
Il en va de même pour un cendrier extérieur avec deux « entrées » qui invitent l’utilisateur à voter pour une opinion avec son mégot en choisissant l’une ou l’autre. En effet, quand toutes les campagnes de sensibilisation du monde sur la pollution par les mégots ont échoué, et que les simples rappels à l’ordre n’ont toujours pas fait comprendre aux fumeurs que jeter leurs cigarettes par terre était un mauvais comportement, le nudge vole au secours de nos nappes phréatiques et incite le fumeur à se comporter comme il se doit.
 
On pourrait aussi citer l’exemple de cette station de métro suédoise qui a vu ses escaliers transformés en piano géant. En effet, plutôt que de multiplier les campagnes de sensibilisation sur la nécessité de l’effort physique au quotidien, une incitation ludique et amusante a permis d’amener les gens à abandonner l’escalator au profit de ces marches sonores et lumineuses.
 

Des apprentissages collectifs rendus possibles par les nudges

 
On pourrait multiplier les exemples, d’une station de métro, aux déambulations musicales, en passant par les stations de ski, tous ces endroits peuvent remercier nos biais cognitifs et les nudges qui viennent les activer.
 
En effet, gérer de tels flux de déambulations ne peut se faire qu’en formant et en éduquant chaque utilisateur, chaque voyageur qui devra passer par là, alors que le comportement de chacun doit être au maximum semblable pour ne pas créer de retard, de panique, ou de blocage.
 
Contrairement à une formation formelle qui demande attention et concentration, les nudges exploitent nos instincts pour nous exposer à des savoirs de manière douce et continue. Il est donc une forme d’assimilation pure, il n’est ni conscient, ni véritablement fait pour qu’on en tire un savoir : du comportement découlant de ce nudge on déduit un savoir.
 

Apprendre avec les nudges : complément, limite ou solution de dernier recours ?

 
Il est donc difficile de classer le nudge (et l’utilisation de nos biais cognitifs en général) comme une solution réelle et indépendante d’apprentissage. Si nous essayons d’appliquer cette méthode à l’apprentissage et l’assimilation du théorème de Pythagore voilà comment il faudrait s’y prendre :
 
Placer des affiches ou des rappels subtils dans des lieux publics. Par exemple, un triangle sur une structure architecturale pourrait inclure une annotation expliquant comment le théorème de Pythagore s’applique. Associer une forme à une idée permettrait de la “côtoyer” et donc de l’assimiler chaque jour sans y penser ou sans s’en rendre compte.
 
La limite s’impose ici d’elle-même, car il faudrait “vivre” l’expérience de théorème mathématique pour le rendre utilisable avec un concept de nudge.
 
On ne peut donc pas traiter le nudge comme une méthode d’apprentissage à part entière mais il serait bête de ne pas voir leur utilité.
 
En effet, pour gérer des masses de gens, l’apprentissage volontaire ne fonctionne pas vraiment, le nudge est là pour nous aider à transmettre l’info. Comme accompagnement d’un processus de formation il est aussi utile, par exemple modifier son environnement habituel pour ancrer le savoir ou la pratique en s’adressant directement à notre inconscient.
 
Enfin, quand tous les moyens classiques ont échoué, l’appel aux instincts peut se révéler être une solution miracle.
 

Conclusion : un apprentissage inconscient mais efficace ?

 
Pour conclure, si le nudge est un outil incroyable pour transmettre, son rôle est de parler à notre inconscient. Il est donc en partie disqualifié de la catégorie outils pédagogique, il serait questionnable de penser que l’on peut apprendre sans conscience d’apprendre.
 
Mais dans certain cas, ou comme support dans un processus global ou solution de la dernière chance, apprendre avec les nudges vous aidera à viser en plein dans le 1000 (et sans avoir à coller une fausse mouche dessus).
 
 
 


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