Et toi, comment t’enseignes ? – La méthode Réconciliations

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Méthode Réconciliations

Dans cette nouvelle série d’articles, nous allons partir à la rencontre de plusieurs professeurs qui innovent dans leur manière d’enseigner.
 
Aujourd’hui, nous allons parler de la méthode “Réconciliations” conçue par Jérémie Fontanieu, professeur de SES au lycée de Drancy depuis maintenant 12 ans, et de son ancien collègue David Benoit, professeur de mathématiques.
Qu’est-ce que la méthode “Réconciliations” ? Comment ça fonctionne ?
 
Explications grâce à un entretien avec ce professeur de SES, fondateur et porte-parole du collectif Réconciliations.
 

Genèse et développement de la méthode Réconciliations

 
Le point de départ
 
L’idée de la méthode Réconciliations est née de plusieurs constats alarmants faits par Jérémie Fontanieu.
 
Certains enseignants, notamment les plus jeunes, sont trop rapidement désespérés. Ils se sentent abandonnés par leur hiérarchie et l’institution face à la violence de ce métier et impuissants face à ces adolescents qui gâchent leur potentiel et leur manquent de considération voire de respect.
 
Les professeurs prennent toutes les responsabilités, testent toutes les méthodes pédagogiques innovantes, renouvellent tout le temps leurs pratiques, mais souvent en vain…
 
Face à eux, les élèves sont souvent démotivés, accros aux écrans et aux réseaux sociaux et gâchent leur potentiel du fait du manque d’implication dans leur scolarité, ce qui accroît encore la frustration des professeurs.
 
Enfin, les enseignants et les parents sont souvent éloignés les uns des autres, rarement sur la même longueur d’onde voire s’affrontent, ce qui nuit aux élèves, à l’enseignement et aux professeurs.
 
Professeurs et parents ont le même but mais il y a trop de quiproquos et de failles, qui sont exploités par les jeunes. Les parents, souvent tenus à l’écart du processus éducatif, reçoivent toutes les informations par leurs enfants qui ne leur disent pas tout.
 
En Seine-Saint-Denis, ces défis sont exacerbés en raison des difficultés socio-économiques. Les jeunes et leurs parents se sentent pour une grande partie abandonnés par l’Education nationale et plus généralement par la République française. Ils voient la société française et l’école comme dysfonctionnelles et incapables de les intégrer.
 
Le système scolaire est trop souvent vu comme une machine à broyer par les élèves et les familles qui se sentent tenus à l’écart mais aussi par les professeurs (pénurie structurelle d’enseignants, salaires très faibles, dégradation des conditions de travail, politiques éducatives pas à la hauteur des enjeux, etc.).
 
Mais alors, comment un professeur peut-il, à son échelle, s’en sortir malgré tout cela ?
 

La méthode Réconciliations : une nouvelle approche de la co-éducation

 
Contrairement aux habitudes où les rencontres parents-professeurs sont rares et les appels téléphoniques de l’école souvent signes de mauvaises nouvelles, Réconciliations propose de renouer (ou plus précisément nouer) le dialogue entre ceux-ci grâce à des interactions précoces et régulières.
 
Dès le début de l’année, les parents sont contactés et intégrés au processus éducatif. Jérémie Fontanieu souligne l’importance de créer un lien dès la rentrée pour instaurer un climat de confiance et de coopération​. Le professeur appelle chacun des parents des élèves de sa classe, noue un contact, se présente et explique sa démarche.
 
Les parents, habituellement sur la défensive, apprécient cette attention et deviennent rapidement un allié pour le professeur.
 
Des SMS hebdomadaires sont ensuite envoyés pour maintenir un dialogue constant, ce qui change radicalement la dynamique parents-prof-élèves.
 
Mais pourquoi créer ce binôme ?
 

Un partenariat improbable parents-profs

 
Lorsque les élèves constatent que leurs parents et professeurs communiquent régulièrement, ils deviennent moins passifs et plus engagés. Ce partenariat, qui a plutôt tendance à “faire peur” à certains élèves réticents ou perturbateurs en classe, aide progressivement à encourager et valoriser les élèves, qui se sentent soutenus et en capacité de réussir. Ils sont félicités et célébrés en classe et à la maison et l’école petit à petit devient un lieu qui permet de s’accomplir – et non qui broie.
 
La méthode inclut tous les parents (que les élèves soient en difficulté ou non par exemple) pour éviter toute stigmatisation et favoriser une approche collective. Les élèves étant tous dans la même situation, cela favorise la cohésion du groupe et de la solidarité entre eux.
 

Les parents, ces acteurs clés

 
Les parents deviennent des partenaires fiables, protégeant les professeurs des violences et des défis du métier. En transformant les parents en alliés et en créant un binôme, la méthode Réconciliations contribue à un environnement éducatif moins toxique, confortable pour les professeurs et propice à l’apprentissage et à la réussite.
 
La régularité des échanges réduit les conflits et augmente la motivation des élèves. Les professeurs, habituellement livrés à eux-mêmes et forcés de se débrouiller seuls, trouvent un soutien précieux chez les parents. Cette alliance permet de surmonter bon nombre d’obstacles liés à la démotivation et aux comportements perturbateurs de certains jeunes.
 

Développement progressif de la méthode Réconciliations

 
Développée à Drancy à partir de 2012 dans le seul lycée Eugène Delacroix, d’abord par un enseignant puis par une équipe, la méthode s’est progressivement étendue. Aujourd’hui, nous sommes au milieu de la phase 2 du projet : 350 enseignants utilisent la méthode pour l’année 2023/2024, avec des projections autour de 500 pour l’année 2024/2025.
 
L’objectif est de constituer un collectif de 1000 enseignants, sans soutien officiel (et Jérémie Fontanieu y tient, pour assurer une certaine forme d’indépendance vis-à-vis de l’institution), pour passer à l’étape suivante et diffuser cette méthode à plus grande échelle via un site internet et un manuel.
 
Cette méthode, encore jeune et en construction, est modulable et flexible, permettant une application efficace selon les besoins locaux. L’idée est qu’elle devienne suffisamment connue pour que tous les profs qui souhaitent travailler avec les parents puissent s’en emparer.
 

Comment y accéder ? Comment être accompagné ?

 
Tant que la barre des 1000 enseignants n’est pas atteinte, Jérémie Fontanieu ne souhaite pas communiquer de façon publique sur les détails de cette méthode, qui reste assez secrète. Aussi, pour adopter Réconciliations et l’appliquer dans sa classe, il faut contacter ce dernier pour discuter et avoir accès aux outils dédiés.
 
En effet, pour soutenir les professeurs qui adoptent la méthode réconciliations, des outils pratiques comme des vidéos, des bonnes pratiques, des tutoriels pour rédiger les SMS et des groupes de discussion en ligne sont mis à disposition. Par ailleurs, des visioconférences hebdomadaires et des rencontres annuelles sont organisées pour un suivi individualisé et une formation continue​.
 
Entretemps, si vous voulez en savoir plus sur la méthode, Jérémie Fontanieu a écrit un livre et un film a été réalisé sur le sujet. Un deuxième documentaire, qui montre la façon dont les professeurs des écoles et les enseignants de collège utilisent la méthode, est également disponible en ligne. Et, si vous êtes intéressés pour appliquer cette méthode, voici son contact : projet.reconciliations@gmail.com
 
 
Si Jérémie Fontanieu n’a pas inventé la co-éducation avec Réconciliations, cette méthode représente une vraie innovation dans la manière de concevoir les relations entre parents et enseignants. En intégrant les parents de manière proactive et régulière, elle permet de créer un environnement éducatif plus positif et collaboratif pour chacun (élèves, professeurs et parents). Les parents ne sont plus des obstacles à l’enseignement mais une influence positive, un levier.
 
Dans les prochaines semaines, nous vous proposerons d’autres portraits et des nouvelles méthodes d’enseignement.
 
 
 


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Aymeric Debrun

  • Diplômé de Sciences Po Lyon – Master Coopération internationale et aide au développement

Découvrir un domaine inconnu, une nouvelle idée, une information ignorée. Se mettre à lire, étudier, analyser, comprendre. Puis approfondir, creuser, se passionner. Et enfin intriguer, intéresser, expliquer, transmettre. Et recommencer.

Un chemin maintes et maintes fois parcouru aussi bien dans ma vie personnelle qu’étudiante. Chez Sydo, j’ai trouvé un travail pour continuer à l’arpenter et faire de ce chemin… un schéma pédagogique.

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